Un hologramme à l’Élysée

par Laurent Joffrin |  publié le 18/04/2023

En langue de bois ou en langue de guimauve, l’allocution présidentielle ne risque pas d’émouvoir les Français, ni de refermer les plaies ouvertes par la réforme des retraites.

Photo: Philippe Matsas

Jean-Luc Mélenchon avait inventé le meeting holographique. Emmanuel Macron a décidé de l’imiter : il crée le président hologramme. Dans les deux cas, ce n’est pas un homme qui parle. C’est un faisceau lumineux.

Depuis des semaines, une foule de chair et d’os manifeste, crie et proteste, réduit son salaire pour exercer son droit de grève, donne son temps et sa peine pour ce qu’elle pense être juste.

Pour toute réponse, elle reçoit une intervention stéréotypée, écrite en langue de bois ou de guimauve, sans l’aumône d’une formule (sauf celle des « cent jours », dont on se souvient qu’ils se terminèrent jadis à Waterloo), sans cœur ni empathie pour les adversaires, sans humanité, sinon feinte et factice. Comme si nous avions affaire à un pur raisonnement, un syllogisme froid, qui ramène le sentiment populaire à une simple variable dans l’équation macronienne.

Le président a pesé au trébuchet le rapport de forces : d’un côté, une mobilisation massive qui exprime son ressentiment en respectant la loi, hormis les excès d’une minorité ; de l’autre, un chef d’État protégé par les institutions, qui est en position de tenir pour nulle et non avenue la contestation populaire. Le peuple aboie, se dit-il, la caravane de la réforme passe.


Bien sûr on réitère les promesses. On annonce qu’il y aura des annonces, des annonces « fortes », comme il se doit (on entend rarement parler « d’annonces faibles »). Les trois « chantiers » dont Emmanuel Macron proclame l’ouverture – le travail, la justice, le progrès – sont ouverts depuis l’origine.

Et comme on ne peut pas détailler ce programme qui suscite peu d’hostilité, l’annonce présidentielle, holographique, renvoie au futur discours d’une première ministre robotique. Le nouveau monde macronien a décidément quelque chose de virtuel. Comme le dit Sophie Binet, qui a trouvé une bonne formule : le discours d’hier soir pourrait avoir été généré par Chat-GPT.

En attendant, les Français réels vont continuer, à l’aide de casseroles comme hier soir, ou par la grève et par le rassemblement massif le 1er mai, à dire leur opposition. Le président en déduira qu’il s’agit d’une queue de comète, d’une fin de mouvement amère mais résignée.

Un rayon d’espoir cependant. Il faudra bien mettre, derrière ce bouclier de mots, quelques mesures concrètes sur les sujets présentés comme un programme.

Sur le travail, la santé ou l’éducation, le gouvernement devra faire quelque chose. Ce qui veut sire, in fine, que la protestation sociale de cette fin d’hiver, quoique défaite sur le point principal, n’aura pas été entièrement vaine.

Laurent Joffrin