Un homme debout face à la « bêtise souveraine »
Boualem Sansal est emprisonné en Algérie. On ne raconte pas l’immense écrivain franco-algérien, on le lit (*)
« Je fais de la littérature, pas la guerre », écrivait-il, ajoutant : « La littérature n’est pas juive, arabe ou américaine, elle raconte des histoires qui s’adressent à tout le monde » …
« Oui, l’Europe a peur de l’islamisme, elle est prête à tout lui céder. (…) La réalité en boucle n’a pas d’effet sur les gens, en apparence du moins. On l’a vu en Algérie durant la décennie noire : les gens qui, au début, s’émouvaient pour une victime du terrorisme ont fini après quelques mois de carnage par ne ressentir d’émotion que lorsque le nombre des victimes par jour dépassait la centaine, et encore devaient-elles avoir été tuées d’une manière particulièrement horrible. Terrible résultat : plus les islamistes gagnaient de terrain et redoublaient de cruauté, moins les gens réagissaient. L’info tue l’info, l’habitude est un sédatif puissant et la terreur, un paralysant violent »…
« La religion me parait très dangereuse par son coté brutal, totalitaire. L’islam est devenu une loi terrifiante, qui n’édicte que des interdits, bannit le doute, et dont les zélateurs sont de plus en plus violents. Il faudrait qu’il retrouve sa spiritualité, sa force première. Il faut libérer, décoloniser, socialiser l’islam… »
« Les Algériens sont inquiets parce qu’ils constatent jour après jour, mois après mois, année après année, que la France ne sait toujours pas se déterminer par rapport à l’islamisme : est-ce du lard, est-ce du mouton est-ce de la religion, est-ce de l’hérésie ? Nommer ces choses, elle ne sait pas, c’est un souci. Pendant ce temps, le boa constrictor islamiste a largement eu le temps de bien s’entortiller, il va tout bientôt l’étouffer pour de bon…. »
« La religion fait peut-être aimer Dieu mais rien n’est plus fort qu’elle pour faire détester l’homme et haïr l’humanité. »
« Vinrent les guerres, toutes les guerres, les mouvements de population, les holocaustes, les famines, les déclarations solennelles, les liesses propices aux mensonges, les longues attentes sur le qui-vive, puis les guerres reprirent, les clivages de fer, les vieilles haines ressuscitées, les exils, les exodes, et encore les mots qui blessent, les mots qui tuent, les mots qui nient. Mais toujours, inchangée dans la guerre ou la paix de l’entre-deux, marchant en tête, discourant à perte de vue, pontifiante et grossière : la bêtise souveraine. … »
Je veux croire que celui qui a écrit ces lignes sera libéré sans délai. « Vivre » était le titre de son dernier livre. Lui vivait debout, contre la bêtise souveraine !
(*) En 2008 Sansal fut lauréat du grand prix RTL-Lire pour son roman : « Le Village de l’Allemand ». Il obtint en 2015 le Grand prix du roman de l’Académie française pour « 2084 : la fin du monde », publié chez Gallimard.