Un loup déguisé en grand-mère

publié le 09/03/2024

Chaque dimanche, un regard engagé sur une semaine d’actualité. Que retenir dans le flot d’informations qui inonde les médias, entre écume des jours et vague de fond ? L’essentiel

Laurent Joffrin- Photo JOEL SAGET / AFP

Lundi – Le camouflage de Bardella

Voter RN, ce que quelque 30 % ses électeurs s’apprêtent à faire, c’est voter, de facto, pour la destruction de l’Union. Souverainistes désormais masqués, tel le loup déguisé en grand-mère, les lepénistes prévoient dans leur programme, rendu public par Jordan Bardella, de rester dans l’Europe et dans l’euro, mais, pour le reste, d’appliquer ou non les règles communautaires selon leurs dogmes politiques. C’est-à-dire de piétiner allégrement les dispositions des traités et d’organiser un « Frexit » rampant. Tel est le véritable enjeu du scrutin européen.

Mardi – L’imam et la gauche (bis)

Sur la boucle WhatsApp du journal, un ami me reproche d’avoir reproché à la gauche son silence sur l’expulsion de l’imam de Bagnols-sur-Cèze qui qualifie de « sataniques » les drapeaux nationaux – et donc celui de la France. Justifiée à mon sens, l’expulsion a été validée par le tribunal administratif. Cet ami n’a pas tout à fait tort : la gauche n’est pas obligée de commenter toute décision gouvernementale. L’ennui, c’est que la seule personnalité progressiste à s’exprimer fut Marie Toussaint, tête de liste écologiste, qui a condamné l’expulsion. Et on devine bien pourquoi le reste de la gauche ne se mêle pas de l’affaire : elle est embarrassée. Je maintiens donc mon argument : tant que la gauche ne condamnera pas clairement les menées islamistes, elle restera inaudible.     

Mercredi – Israël contre Biden

Outre la tragédie humanitaire infligée à la population de Gaza par Netanyahou, qui monopolise à juste titre l’attention, on doit aussi remarquer, en mineur, ses effets politiques. Dans les primaires américaines, le président démocrate perd des voix auprès de la minorité musulmane, qui votait auparavant pour lui, et sur sa gauche au sein du Parti démocrate. Comme le scrutin sera sans doute serré, on peut craindre avec vraisemblance que la sanglante opération de Gaza, tout en ruinant les minces espoirs de paix, ne provoque aussi le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, ce qui fera les affaires de la droite israélienne. D’une bombe deux coups…

Jeudi – Le sommet des 8000

L’indice du CAC franchit la barre des 8000, ce qui représente un doublement en dix ans. Au même moment, le gouvernement décide de réduire la durée d’indemnisation des chômeurs, dont le revenu moyen se situe autour de 1200 euros par mois. Où se trouve vraiment le « pognon de dingue » dont se plaignait Emmanuel Macron ?

Vendredi – Ukraine : la vraie priorité

On débat à perte de vue sur le déploiement éventuel de troupes occidentales en Ukraine alors que l’hypothèse est rejetée par tous, y compris par le gouvernement français (dixit Lecornu). Gaspillage de temps et d’énergie. La vraie question est ailleurs, comme le soulignait Hubert Védrine dans l’entretien qu’il nous a donné. Dans l’ordre d’urgence, il faut d’abord débloquer les aides promises à l’Ukraine et donc surmonter l’opposition du Congrès américain, seule manière de dissuader Poutine de lancer de nouvelles offensives. Une fois le rapport de forces rééquilibré, on pourra parler de la suite. En attendant, les Européens n’ont qu’une seule priorité : faire pression sur les parlementaires américains. 

Samedi – 8 mars : les limites de la « sororité »

Sous protection policière, il a fallu exfiltrer du défilé pour le droit des femmes les militantes des collectifs « Nous vivrons » et « No Silence », qui demandaient la libération des otages israéliens de Gaza et dénonçaient les violences faites aux femmes le 7 octobre. Quoiqu’ayant obtenu préalablement l’accord des organisatrices, elles ont dû quitter le défilé sous les jets de pierres et les insultes antisémites proférées par des cohortes de jeunes femmes agitant des drapeaux palestiniens.

Où est passée la « sororité » dont on parle tant ? Incident conforme, quand on y pense, aux vues « intersectionnelles » de certaines militantes. Selon leur communauté d’origine, les victimes ne se valent pas. Les femmes victimes de violences sont en principe égales. Mais certaines, notamment quand elles sont juives, le sont nettement moins que les autres.