Double non, triple risque
Les sages ont tranché en droit, c’est leur fonction. Mais les effets politiques et sociaux de leur décision sont redoutables.
Pour la gauche, c’est évidemment la pire des hypothèses. Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel de la loi, il refuse le référendum d’initiative partagée, demandé par les opposants et, en prime, il annule des dispositions à la tonalité plus ou moins sociale.
Le Conseil a tranché en droit : on doit supposer que ses raisonnements sont malgré tout fondés. Mais les conséquences politiques de ce double camouflet pour les protestataires ne sont pas douteuses. À court terme, les manifestants furieux feront connaître leur colère ; déjà, dès la décision connue, on brûlait du mobilier urbain et on criait « Paris, debout! soulève-toi ! »
Ambiance d’insurrection qui peut déboucher sur le pire. L’intersyndicale demande que la loi ne soit pas promulguée et refuse toute discussion sur tout autre sujet avec le gouvernement. Certes, la loi s’impose – dura lex – comme il se doit en démocratie politique, mais la démocratie sociale s’affaisse un peu plus.
À long terme, cette réforme née au forceps portera de profondes cicatrices. Refusée par les deux tiers des Français, jamais votée par l’Assemblée, sinon a contrario en raison de l’usage de l’article 49-3, elle est pleinement légale mais pleinement détestée.
Situation dangereuse en démocratie : on use de tout l’arsenal dont dispose l’exécutif pour imposer une décision dont on ne sait si le législatif l’aurait votée et dont il est clair que le peuple la réprouve sans ambiguïté. Douteuse légitimité, fragilité d’un gouvernement minoritaire dans le pays et à l’Assemblée, obstination d’un président désormais coupé du pays.
Il reste néanmoins une issue à cette situation pleine de risque : la gauche a déposé devant les sages une deuxième demande de référendum, dont on espère qu’elle sera mieux argumentée. Dans ce cas, le mouvement social trouverait, avec un regain d’espoir, un chemin stratégique, susceptible de canaliser l’ire protestataire.
Comme le dit Laurent Berger, on ne peut pas faire grève pendant six mois. Le référendum, prévu par la constitution, est le dernier recours. S’il échoue, l’amertume l’emportera, la résignation triomphera et la vie démocratique en sortira en loques.