Un programme pour la gauche du réel
Le Lab de la social-démocratie, organisation amie, vient de publier un « programme fondamental ». Réformes radicales, transformation sociale, mutation écologiste, féminisme et démocratie continue : ça décoiffe…
Cliché habituel sur la gauche réformiste : elle n’a plus d’idées, elle a fait son temps, elle appartient au passé ; l’avenir est à la radicalité, insoumise ou écologiste. Est-ce si sûr ? Le Lab de la social-démocratie, dont votre chroniqueur a l’honneur d’être un des animateurs, vient de pondre un « programme fondamental », qui réfute ces idées reçues.
Centriste, mollasson, sans arêtes ? Jugeons sur pièce. Le texte récuse autant le libéralisme vertical de la coalition macronienne que la stratégie de l’outrance adoptée par la gauche radicale. Il n’a qu’une boussole : « le refus de l’injustice, c’est la raison d’être de la gauche ». Et aussi : « la crainte de voir les classes populaires désorientées par le laissez-faire du tout-marché se réfugier dans l’abstention ou le vote extrême. »
Pour y parer, la social-démocratie « doit changer de logiciel ». Il faut quitter la logique productiviste qui consiste à redistribuer aux défavorisés les fruits d’une croissance qu’on croyait sans fin et qui se heurte à la finitude de la planète, aux impératifs de la lutte pour le climat, à la fragmentation des classes populaires meurtries par les politiques libérales. Le logiciel doit être réinventé.
Qu’on en juge. Il s’agit de réaliser une mutation écologique rapide qui organise dans la justice sociale la transition vers une économie décarbonée, qui nous libère des énergies fossiles – notamment grâce au nucléaire – et qui assure la justice par la création d’une sécurité sociale écologique. Il s’agit de redéfinir le statut de la propriété dans le fonctionnement de l’économie, de manière à garantir l’accès de tous aux biens communs. Il s’agit de créer un revenu de base ouvert à tous, qui permette de garantir à chacune et chacun des moyens convenables d’existence en automatisant et en simplifiant notre système de prélèvements et de prestations. Il s’agit de subordonner les écarts de fortune à l’intérêt général, ce qui suppose la réforme en profondeur de l’impôt sur le patrimoine et sur l’héritage.
Il s’agit de rendre son sens au travail en étendant la protection sociale, en développant la fonction sociale et environnementale des entreprises et en modifiant radicalement, en leur sein, l’équilibre des pouvoirs en faveur des salariés. Il s‘agit d’instaurer une « démocratie continue » qui réponde au désir de participation du peuple aux affaires publiques, en facilitant la tenue de référendums, en revalorisant le rôle du Parlement, à qui il revient désormais de nommer le Premier ministre, en rendant une place éminente au droit de pétition prévu par la constitution et en jetant les bases d’une République girondine.
Il s’agit encore de faire droit aux nouvelles revendications des femmes et des minorités en instaurant, sur la base de l’universalisme et loin de tout communautarisme, une politique d’égalité réelle qui élimine les discriminations de genre ou d’origine et assure à chacun et chacune la jouissance concrète des droits garantis par la République. Il s’agit enfin d’assurer l’ordre républicain dans la société et de diminuer une délinquance qui frappe en priorité les classes populaires et, sur la base de la conception républicaine de l’identité nationale, de mener une politique d’immigration équilibrée, qui permettre de mieux accueillir mais aussi de mieux reconduire.
Ce ne sont que quelques exemples : en 60 pages, le texte aborde, au fond, tous les défis qui attendent la France dans le nouveau siècle. On peut être en désaccord, récuser telle ou telle mesure, rejeter telle ou telle conception. Mais avant de le contester, il faut le lire (1).
(1) À lire sur le site « Engageons-nous »