Un Sommet pour rien ?

publié le 10/10/2024

On ne pourra pas dire que la France a mal accueilli le XIXe Sommet de la Francophonie qui s’est tenu les 4 et 5 octobre 2024 à Villers-Cotterets (Aisne) et à Paris au Grand Palais. Mais derrière les fastes déployés, à quoi a servi ce Sommet ?

Par Jérôme Clément et Jean-Paul de Gaudemar

Discours de clôture d'Emmanuel Macron au 19ème Sommet de la Francophonie, le 5 octobre 2024(Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)

Pour le président Macron, ce Sommet faisait partie des quatre grands évènements de l’année 2024, après le 80e anniversaire du Débarquement et les jeux Olympiques et Paralympiques et avant, curieusement pour un pays laïc, l’achèvement de la reconstruction de Notre-Dame de Paris.

Il devait donc être célébré avec faste. D’où l’ouverture de la rencontre au château réhabilité de Villers-Cotterets, en ce lieu où François 1er installa la langue française comme langue officielle du royaume, moins peut-être contre le latin que contre les parlers régionaux.  

La Cité de la langue française, qu’il abrite désormais, est intelligemment conçue, même si la présence en son sein de plusieurs dizaines de représentants d’États et de gouvernements « francophones », n’a pas été l’occasion d’une réflexion politique approfondie sur la langue elle-même et son influence. La célébration rituelle d’une langue française « libératrice » ne suffit plus et sonne faux.

L’Afrique fournit de gros bataillons de la Francophonie, mais manquaient à l’appel quelques gros « calibres » importants parmi les chefs d’États africains francophones. Ainsi des leaders des juntes militaires du Sahel, Mali, Burkina, Niger dont la rupture avec la France est soulignée avec éclat. Il en a été de même du Sénégal, un des poids lourds de la Francophonie, mais aussi de la Guinée, du Togo ou des Comores ; ou encore des présidents du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et du Congo-Brazzaville et de tous les chefs d’État du Maghreb. La France venait pourtant de donner de sérieux gages au Maroc à travers sa reconnaissance toute récente de la stratégie du roi concernant le Sahara occidental.

Des débats étaient attendus sur des sujets brûlants : le Liban et le Moyen-Orient, Haïti, le conflit en RDC…. Mais si l’on regarde le tour de table que constituent les 88 membres (54 titulaires, 7 associés ou 27 observateurs) de l’OIF, auxquels vont désormais s’ajouter cinq nouveaux venus, les consensus autour de ces conflits sont forcément difficiles à trouver, comme à l’ONU, tant ces pays ont des positions différentes et souvent irréconciliables.

Ainsi, le Liban est un membre ancien et fidèle de l’OIF, mais en l’absence des États-Unis, d’Israël, de l’Iran, le cercle des chefs d’État et de gouvernements qui entouraient sa délégation, ne pouvait que formuler des vœux pieux. La langue ne pallie pas le désordre international.

Même désordre pour une amorce de résolution du conflit entre la RDC et le Rwanda. Qu’attendait en effet le président congolais de sa présence à ce Sommet, sinon une parole ferme du président français face à son homologue du Rwanda, Paul Kagamé, pour condamner le soutien apporté par ce dernier au mouvement rebelle du M23 dans les zones frontalières des deux pays ? En face du même Kagamé et, qui plus est de la Secrétaire Générale de l’OIF, elle-même rwandaise, Emmanuel Macron n’a certainement pas voulu aborder ce point dans son discours d’ouverture.

Le résultat fut immédiat puisque, le lendemain, Tshisekedi claquait la porte du Sommet en refusant de participer au huis clos, malgré les tentatives de Macron pour tenter de s’expliquer en conférence de presse. Qu’il ait par ailleurs été décidé que la prochaine conférence ministérielle de l’organisation se tienne en 2025 à Kigali capitale du Rwanda, ne devrait rien arranger à l’affaire !

Il y a de quoi également être surpris du silence assourdissant de la presse sur le vide de l’évènement : à part la restauration d’un château – cela manque en France – comment ne pas s’interroger sur l’intérêt de tels Sommets, qui ne font que souligner l’absence de discours et de ligne politique, et s’interroger sur l’action de l’Organisation Internationale de la Francophonie elle-même ?

Jérôme Clément et Jean-Paul de Gaudemar