Une loi ? Non, un décret… c’est plus prudent
Le problème, avec l’épineuse question de la politique énergétique, est que les parlementaires sont plutôt incompétents
Le 10 février 2022, Emmanuel Macron a rompu avec plus de deux décennies de flottement concernant la politique énergétique de la France : relance ambitieuse de la filière nucléaire, doublement de l’éolien terrestre, mise en service de 50 parcs éoliens en mer, multiplication par dix de la puissance installée en solaire photovoltaïque. Au total, une importante augmentation de la production d’électricité, qui devrait permettre de décarboner certains secteurs en électrifiant des usages.
De tels projets engageant le pays sur plusieurs décennies, un débat et un vote parlementaires devaient suivre. Mais le ministre Roland Lescure vient d’annoncer qu’il procédera par décret. Raison invoquée : ne pas relancer « la guerre de religion qui oppose les pro-nucléaires aux pro-renouvelables ». Les parlementaires seraient-ils incapables de débattre sereinement de sujets techniques ? Y a-t-il, dans l’histoire récente, des éléments qui vont dans le sens de l’appréciation du ministre ?
Revenons en arrière sur un exemple devenu emblématique. En 2007, lors du débat présidentiel Royal-Sarkozy, on aborde la question du nucléaire. Ségolène Royal demande à Nicolas Sarkozy s’il connaît la part du nucléaire dans la production d’électricité. 50 % répond le dernier. Faux, c’est 17 % affirme la candidate. Las ! Ils ont tous les deux tort. La bonne réponse était : 70-75 % ! Royal annonce vouloir stopper la construction de l’EPR, et développer le nucléaire de 4ème génération (sans préciser de quoi il s’agit). Erreur répond Sarkozy ! L’EPR « est » la 4ème génération. Encore une erreur : il s’agit de la 3ème génération dont on a amélioré la sécurité…
Moralité : débattre de questions techniques suppose de travailler les sujets. Or, parmi les 577 députés de l’Assemblée nationale, il n’y a que 19 ingénieurs. S’agissant de l’électricité, sujet éminemment technique, les notions en jeu sont multiples, et subtiles : comment un réseau électrique parvient-il à assurer, à chaque instant et en tout lieu, une égalité entre production et consommation ? Quelle différence entre énergie de stock et énergie de flux ? Entre une énergie concentrée et une énergie diluée ? Quelles sont les caractéristiques de l’intermittence des énergies de flux ? Quelles sont les possibilités de stocker de l’énergie ?
Allons plus loin : douter que les parlementaires soient au point sur ces questions, ce n’est pas leur faire injure, c’est simplement constater que rien, dans la formation initiale de la grande majorité d’entre eux, ne les a préparés à cela. C’est aussi rendre hommage aux milliers de techniciens qui gèrent un réseau électrique bourré d’intelligence, dont on ne se doute pas lorsqu’on appuie sur un interrupteur.
Le gouvernement, lorsqu’il a annoncé la mise en place du Secrétariat général à la planification écologique a aussi décidé que 25 000 hauts fonctionnaires suivraient une formation énergie/climat. Les parlementaires ne pourraient-ils bénéficier du même type de formation ?