Une manif gonflée à l’hélium

par Laurent Joffrin |  publié le 08/09/2024

L’exagération systématique de la participation aux défilés d’hier traduit un rapport élastique à la réalité et se retourne contre la gauche.

Entre 5 000 et 8 000 manifestants défilent à Toulouse et dans d'autres villes de France ce samedi pour protester contre le choix de Michel Barnier (conservateur) comme premier ministre par le président Macron - Photo Alain Pitton/NurPhoto

Agaçante et contre-productive, cette manie de gonfler les chiffres. LFI annonce quelque 300 000 manifestants dans toute la France pour la destitution d’Emmanuel Macron et 160 000 à Paris. Le ministère de l’Intérieur dit 110 000 et 26 000. Écart ridicule qui tend à discréditer l’une ou l’autre partie, si ce n’est les deux.

Chaque fois que les journaux de référence, de droite et de gauche réunis, se sont livrés à un comptage sérieux dont les méthodes étaient vérifiées et transparentes – par le truchement du cabinet « Occurrence » notamment – ils sont arrivés à une estimation bien plus proche du chiffre de la police que de celui des organisateurs.

Il y a donc tout lieu de penser qu’il en est de même pour la manifestation d’hier. Une fois de plus la gauche radicale manie l’outrance et la tartarinade pour justifier sa politique. Exagération inutile au demeurant. Après tout, LFI et la gauche syndicale (CGT et FO : ni la CFDT ni le PS n’étaient présents) ont réuni quelque 30 000 personnes à Paris et 110 000 en France, autour d’un mot d’ordre sans contenu – la « destitution du président », qui n’aura pas lieu – ce qui démontre leur force militante. Les autres composantes de la gauche feraient bien de méditer cette réalité : leur capacité de mobilisation dans la rue est très inférieure à celle de LFI, notamment dans la jeunesse. Problème…

Reste que ce rapport désinvolte à la réalité, qui rappelle les « vérités alternatives » de Donald Trump, se retourne in fine contre le camp progressiste. Si les leaders gonflent à ce point les chiffres des défilés pour un enjeu secondaire, comment leur faire confiance en matière programmatique ? Notamment quand ils évaluent de manière radicalement optimiste l’équilibre prévu entre recettes fiscales et dépenses publiques. Il arrive un moment où cet usage fantaisiste des statistiques sort du domaine du folklore militant entrer dans celui de la tromperie électorale.

Laurent Joffrin