Une police hors-sol (4)
Dans ce quatrième volet, la police. Et notamment la prochaine suppression de la Direction de la police judiciaire. Par Philippe Dorthe
Alors Premier ministre, Lionel Jospin, voyant venir l’explosion des secteurs les plus « chauds », a demandé à son ministre de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement de mettre en place une doctrine policière issue d’un concept anglo-saxon qui a fait ses preuves, le « Community Policing », dont l’application en France s’est transformée en « Police de Proximité ». La mesure fut prise en 1998.
Malgré la lenteur de la mise en œuvre du processus, des résultats positifs sont remarqués, même si dans certains secteurs ils furent plus mitigés.
Pour que ce procédé atteigne son efficacité maximale, il aurait fallu 10 à 15 ans. Dans ce type de vision révolutionnaire de la sécurité, l’allié principal de la réussite est le temps long.
Seulement cinq ans après la création de la « PolProx », Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et commercial de la Marque Kärcher, sonna le glas du dispositif en disant en février 2003 à Toulouse devant un parterre de policiers : « Vous n’êtes pas des travailleurs sociaux ». Dans l’absolu, il se trompait, les policiers, dans leur action préventive ou répressive, travaillent bien pour la société.
Il préféra donc une police plus répressive que préventive.
Il est pourtant simple à comprendre que l’on réprime des actes avérés, mais c’est trop tard pour les victimes, alors que la prévention est là pour justement endiguer le plus possible le passage à l’acte.
Le même Nicolas Sarkozy, alors président de la République, donna le coup de grâce à la prévention des délits en supprimant les fameux Renseignements Généraux (les RG) pour les fusionner avec la Direction de la Surveillance du Territoire (la DST) pour créer la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI).
Macron s’apprête à supprimer la Direction de la police judiciaire
Le résultat fut que l’on ne retrouva jamais l’efficacité des RG, spécialistes du renseignement intérieur aux personnels très aguerris à l’infiltration des milieux difficiles.
En fait la droite française, chantre de l’ordre, ne fit qu’aggraver le désordre.
Pour fignoler ce triste tableau, le Président Macron, par l’intermédiaire de son ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, s’apprête à prendre une mesure qui va vite entrer dans les annales des grosses bêtises de l’État : la suppression de la Direction de la Police Judiciaire, fleuron de l’investigation, spécialiste des grosses affaires, touchant particulièrement au grand banditisme.
Ces limiers de la PJ vont bientôt être déployés auprès des Directions départementales de la Sécurité Publique (DDSP) pour devenir des généralistes qui seront plus occupés à régler le tout venant des petites affaires. Comme le dit l’ancien patron de l’antigang, le contrôleur général Yves Jobic : « C’est un peu comme si, en matière médicale ,on demandait aux spécialistes de venir grossir les rangs des généralistes pas suffisamment nombreux en laissant progresser les pathologies les plus lourdes. » Cette mesure démagogique qui sera vendue comme la solution à tous les problèmes de proximité ne fera que les aggraver.
« Commissaire, pour nous, ça va être open-bar ! »
Un ancien caïd du grand banditisme
Le même Yves Jobic, ayant gardé quelques contacts avec des anciens de la pègre, s’est vu dire par un ancien caïd du grand banditisme « Commissaire, pour nous, ça va être open-bar ! ».
Évidemment, comment les dealers locaux, petits caïds des banlieues s’approvisionnent-ils en drogues dures (cocaïne, héroïne et autres produits), si ce n’est par l’intermédiaire des demi-grossistes eux-mêmes fournis par les gangs du grand banditisme national et international.
Ces couches successives de mauvaises décisions sont issues d’une vision à court terme inefficace. De plus, ces supermarchés de la drogue, devenus zones de non-droit, où police, pompiers et SAMU ne sont pas les bienvenus, sont également le terreau du prosélytisme islamique radical.
Un réseau local de dealers arrêté est immédiatement remplacé par un autre. Les gros voyous et les cartels sont particulièrement organisés pour éviter la rupture d’un business en flux tendu.
Là encore la boucle est bouclée.
Par Philippe Dorthe. Conseiller régional et départemental honoraire (PS)