Une seule solution : la coalition
La gauche a gagné, mais les Français n’ont pas voulu donner la majorité à un seul parti. Il n’est qu’une issue : un gouvernement pluriel.
La gauche a gagné, c’est clair. Contre toute attente, c’est encore plus clair. Tout démocrate, tout républicain, tout Français, au fond, doit s’en réjouir. Seulement voilà : la gauche ne dispose que d’une majorité relative, comme c’était le cas pour la majorité macroniste, qui a fini par dissoudre faute de pouvoir gouverner. Autrement dit, les nouvelles tartarinades de Mélenchon – « nous sommes au pouvoir » – ne reposent sur aucune base parlementaire. Dès lors, deux solutions s’ouvrent à cette gauche : celle de la crise, ou celle de la responsabilité.
La crise ? Au sein de la gauche, certains, la France insoumise par exemple, mais aussi la direction du PS, sont tentés par le refus de tout compromis. « Mon programme dans sa totalité, ou rien » : tel semble être le mot d’ordre qui se dégage de ces déclarations. Mais avec quelle majorité ? Et comment éviter, dans ces conditions, le vote d’une motion de censure ? Tout cela mène au blocage. En paralysant ainsi le système, LFI, secondé par le RN, peut espérer provoquer la démission d’Emmanuel Macron, qui déboucherait sur une nouvelle élection présidentielle.
Une crise âpre et amère s’ensuivrait, un désordre politique entretenu à dessein, une incapacité manifeste des partis républicains à proposer une solution au pays : n’est-ce pas la meilleure manière de faciliter la victoire de Marine Le Pen dans cette nouvelle élection, par définition précipitée et violente ? Le « système » est impotent, dira-t-elle, il est temps de nous confier la responsabilité suprême. Est-ce vraiment le moment de lui offrir sur un plateau l’argument de la cohérence et de la stabilité, que les autres auront échoué à instaurer ?
L’autre voie
Il est une autre voie. C’est un fait que les électeurs n’ont pas souhaité confier les rênes du pouvoir à une seule force. Ni la gauche, ni le centre, et encore moins la droite, ne sont capables, à eux seuls, de rassembler de majorité absolue au Parlement. La conclusion s’impose d’elle-même : comme la France a besoin d’un gouvernement, celui ne peut être fondé sur autre chose que sur une coalition de forces différentes. Une coalition temporaire, transitoire ou pérenne, mais une coalition tout de même. Tel est le résultat implacable de la volonté du peuple.
On peut s’en désoler, mais on peut aussi y trouver un motif d’espoir : contraints par le choix des Français, les partis de gouvernement sont condamnés à innover. C’est-à-dire s’accorder, au terme de tractations sérieuses, sur un programme de compromis qui tienne compte des demandes exprimées par l’électorat. Une gauche qui comprenne le désir de sécurité, de tranquillité publique et de protection qui émane du peuple ; une droite qui prenne en compte l’intense désir de justice sociale exprimé par ce vote, un centre qui abandonne son obsession de la verticalité et son utopie d’un « gouvernement des meilleurs ». On dira que c’est impossible. C’est pourtant ce qui se passe régulièrement dans la plupart des pays européens. Qui peut dire qu’ils sont, de toute évidence, plus mal dirigés que la France ?
Le pouvoir, cette fois de manière limpide, passe de l’Élysée au Parlement. Le pouvoir ne procédera plus du président, mais des députés. Les élus de la République sont-ils vraiment incapables d’imaginer une solution à cette crise ? Détenant par définition la légitimité nationale, ils sont placés devant une tâche historique. À eux de s’en montrer dignes.