Une victoire à la Coquerel
Le président LFI de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale a réussi à faire adopter, amendement après amendement, un alourdissement des prélèvements sur les plus riches et sur les plus grandes entreprises, jusqu’à donner une forme de légitimité au programme du NFP.
Tous perdants, à l’issue des deux premières semaines de discussion du volet recettes du budget à l’Assemblée Nationale ? C’est le sentiment que l’on peut en garder si l’on conjugue 1 500 amendements qui n’ont pas encore pu être abordés ; 40 milliards de charges fiscales ajoutées aux 20 milliards d’impôts déjà proposés ; des alliances contre nature passées entre la gauche et la droite ; un socle commun inexistant et une majorité introuvable ; un Premier ministre, certes respecté, mais qui a dévissé au fur et à mesure qu’apparaissait la faiblesse structurelle de son budget.
Il y en a un pourtant qui peut se réjouir, c’est Eric Coquerel. Le président LFI de la Commission des finances à l’Assemblée Nationale s’était fixé un objectif, celui de démontrer que le Nouveau Front Populaire, même s’il n’avait pas pu accéder à Matignon et même s’il demeure minoritaire à l’Assemblée Nationale, pouvait obtenir, amendement après amendement, une « majorité de projets ».
Mission accomplie : la plupart des mesures renforçant la fiscalité sur les plus riches et les plus grandes entreprises, déjà inscrites dans le projet de budget présenté par Michel Barnier, ont été sévèrement alourdies pendant la discussion. La pérennisation et l’élargissement de l’assiette de l’impôt de 20% minimum sur les plus hauts revenus tout autant que de la taxe de 10 % sur le fret maritime, la défiscalisation des pensions alimentaires, ou le renchérissement de l’exit tax, pour n’en citer que quelques-uns sont autant d’exemples d’initiatives venues de la gauche et que son poids électoral a permis de faire adopter.
Celle-ci n’a échoué que sur deux mesures : le rétablissement de l’ISF et la hausse de la flat tax, qui auraient pourtant eu l’avantage de taxer non seulement les revenus du travail mais aussi ceux du capital, ceci en raison de la décision prise par le Rassemblement National de ne pas les voter et de donner ainsi un gage à son électorat de droite. En creux, cela démontre, s’il le fallait, à quel point le RN a été incontournable pour faire adopter la plupart des autres amendements.
Le deus ex-machina de cette manœuvre politique, Eric Coquerel, peut se réjouir d’avoir donné un certain crédit au programme du Nouveau Front Populaire auquel personne ne croyait, pas même le reste de la gauche. Or, il a été aidé par des députés socialistes comme Philippe Brun, à qui Michel Barnier avait proposé d’entrer au gouvernement, qui ont su porter le fer avec efficacité…
Certes, de tout cela il ne restera rien de concret, tant ce matraquage fiscal risquerait de provoquer une récession économique. Victoire à la Coquerel ou à la Pyrrhus ? Tous ces amendements seront balayés grâce au 49-3 ou, plus probablement, par le recours à l’article 47 de la constitution, qui limite à 40 jours le débat à l’Assemblée nationale avant la transmission du texte au Sénat, où la majorité est plus proche des aspirations initiales de Michel Barnier. Mais il restera à la gauche, telle que la conçoit Eric Coquerel, c’est-à-dire extrême, une forme de victoire politique, pour avoir réussi, dans la cacophonie générale, à faire adopter un texte que le vrai Front Populaire de 1936 n’aurait pas renié.
Malgré vingt-cinq années d’une économie passée sous la contrainte européenne et les diktats de la mondialisation, l’histoire retiendra que les députés français s’en sont pendant quelques jours affranchis, guidés avant tout par ce qu’ils pensent être les désirs de leurs électeurs. Et qu’importe si le résultat est un texte budgétaire aussi improbable qu’irréaliste ! Un vent protestataire souffle sur l’Hémicycle.