Une victoire européenne

par Laurent Joffrin |  publié le 12/07/2023

Le Parlement de l’Union vient d’adopter une loi essentielle pour la préservation de l’environnement. Une leçon pour la France… et pour la gauche

Laurent Joffrin

On pense souvent, au sein de l’opinion, que l’Union européenne ne sert pas à grand-chose, sinon à brider les États nationaux. On ajoute souvent, à l’extrême-gauche notamment, qu’elle est une entité par nature libérale et productiviste. Le Parlement européen vient de démontrer une nouvelle fois le contraire.

À une majorité nette, 336 voix contre 300, il vient de voter le projet de loi sur la restauration de la nature, pièce maîtresse du Pacte vert européen. Ce projet prévoit d’imposer aux États membres des objectifs contraignants de restauration de terres et d’espaces marins abîmés par la pollution ou l’exploitation intensive, afin de préserver la biodiversité, dans la lignée de l’accord de la COP15 à Montréal.
Il était temps : on estime que 80 % des habitats naturels européens sont déjà dégradés.

Outre une bonne nouvelle pour l’environnement, le vote comporte une importante leçon politique. Les 300 opposants au texte, en effet, viennent de la coalition de la droite européenne et de l’extrême-droite. En face, la majorité est composée de l’addition des voix des centristes, des écologistes, des sociaux-démocrates et des autres députés de la gauche.

Or habituellement, les majorités européennes se forment par la conjonction des deux principaux partis, les sociaux-démocrates et les conservateurs du PPE. C’est le compromis entre ces deux forces différentes, mais européennes toutes deux, qui donne le la de la politique de l’Union.

Le vote de mercredi dessine deux coalitions différentes, l’une de droite et l’autre de gauche. Est-ce l’avenir de la politique européenne ? C’est bien possible : depuis le Brexit, les anti-européens de droite et de gauche ont mis de l’eau dans leur vin.

L’extrême-droite européenne, notamment, ne prétend plus faire éclater l’Union, mais plutôt s’en saisir pour faire avance son programme de retour aux valeurs traditionnelles, de réticence aux mesures écologiques et de lutte contre l’immigration.

Du coup, son rapprochement avec la droite, qui tend à se radicaliser, devient possible. En réaction, la gauche et les écologistes ont tout intérêt à se ranger sur des positions communes.

Voilà qui jette un éclairage nouveau sur les prochaines élections européennes. Dans une Europe qui se droitise à grande vitesse, la question n’est plus de savoir qui, du centre-droit ou du centre-gauche, pèsera le plus lourd dans les décisions communes, mais qui, de la droite alliée à l’extrême-droite ou de la gauche, tiendra le haut du pavé. Voilà qui rend le scrutin de l’année prochaine à la fois plus dangereux et plus lisible.

Raison de plus pour adopter en France le dispositif le plus à même de renforcer la gauche en Europe. Or les sondages sont formels : c’est en présentant des listes séparées que la gauche française obtiendra le plus de députés, et sera donc le plus à même de contrer la montée du bloc conservateur en Europe.

Laurent Joffrin