Urgences encombrées: mourir d’attendre
Une étude française montre une augmentation de près de 50 % des décès chez les patients qui attendent toute une nuit aux urgences…
Les urgences constituent le lieu de convergence de toutes les souffrances physiques et psychologiques de patients en détresse. Une nouvelle souffrance a été mise à jour et se surajoute : l’embouteillage des victimes. Avec la constitution d’un véritable goulet d’étranglement sanitaire dans les services d’urgence.
Ce phénomène est quasi général. D’une part, en amont, l’afflux de patients qui ne trouvent plus l‘offre de soins en médecine traditionnelle. D’autre part, en aval, la diminution capacitaire de l’hôpital, par manque de soignants et d’une politique de diminution du nombre de lits.
Les patients se retrouvent ainsi « piégés » dans ces locaux des services d’urgence qui se révèlent inadaptés. Ils étaient initialement dimensionnés pour un flux de malades limitant une durée de passage à moins de quatre heures. Pour les patients en décompensation psychiatrique, cela devient de la véritable maltraitance. Il n’est plus rare de voir des patients sous contention attachés à des brancards plus de 24 heures, ou déambulant dans les couloirs. C’est aussi exposer les personnels à de graves agressions comme récemment par arme blanche.
Mais le prix le plus important est l’aggravation de la santé des patients qui se trouvent dans cette impasse. Toutes les conditions sont réunies pour qu’augmente la morbidité, mais aussi la mortalité. Une grande étude anglaise, analysant le devenir de plus de 26 millions de patients, admis aux urgences en deux ans, a montré une surmortalité d’environ 8 % si les patients attendaient plus de six heures, ce qui revient à dire que pour 82 patients attendant aux urgences leur admission dans un service, il y a un décès supplémentaire.
Dans une étude récente, présentée aux congres URGENCES 2023, le Pr Yonathan Freund et son équipe a montré une augmentation nette de la morbidité et de la mortalité associée à l’attente aux urgences. Dans cette étude française, les auteurs ont comparé une cohorte de patients de plus de 75 ans qui attendaient un lit pendant une nuit, par rapport à un groupe qui n’avait pas d’attente significative.
Les auteurs ont trouvé une augmentation importante de la morbidité et de la mortalité, avec une augmentation de près de 50 % des décès dans le groupe de patients qui passaient une nuit aux urgences.
Ce lien entre complications et dégradation de l’état de santé des malades avec l’attente n’est pas nouveau, mais sa quantification par cette étude rend urgentes les mesures annoncées de désengorgement ?
Bien sûr, face a l’urgence de la situation, nous ne pouvons pas ouvrir d’un seul coup tous les lits d’hospitalisation disponibles. Toujours par manque de personnel.
Une voie serait de donner la priorité aux services d’urgence dans la répartition des personnels hospitaliers. Et probablement de mutualiser le secteur post-urgences en oubliant momentanément ces frontières entre service de spécialités et post-urgences.
La priorisation de ce problème est une véritable urgence de santé publique. D’ailleurs, le souhait du président de la République de désengorger les urgences, en un an, souligne la gravité de la situation.
En un an ? Chiche !