URSS-USA : en 1983, l’apocalypse évitée… de peu

publié le 30/09/2023

 Vladimir Poutine menace régulièrement de vitrifier l’Occident. Cela a déjà failli se produire lors de l’effrayante crise nucléaire de 1983. Par Pierre Feydel

Explosion d'une bombe nucléaire - Fiction - Paramount - Photo Paramount Pictures - Lucasfilm - / Collection ChristopheL

La crise des missiles de Cuba en 1962 a failli mettre le monde au bord de l’apocalypse nucléaire. Celle de 1983, il y a tout juste quarante ans, est moins connue, mais elle fait encore plus froid dans le dos.

À la mort de Brejnev, en novembre 1982, Andropov prend le pouvoir au Kremlin. Ex-ambassadeur d’Union soviétique en Hongrie en 1956, il n’a cessé de réclamer la répression féroce du soulèvement magyar.  Résultat, 20 000 hongrois ont été massacrés ou exécutés. En 1967, il devient président du KGB où il s’illustrera par une chasse impitoyable aux dissidents, inventant à leur endroit l’internement psychiatrique.

Paranoïaque, Andropov est persuadé que l’Occident prépare une frappe nucléaire surprise contre l’Union soviétique

À 68 ans, Iouri Vladimirovitch Andropov souffre de la maladie de Parkinson. Mais, plus grave, sa paranoïa le persuade que l’Occident prépare une frappe nucléaire surprise contre l’Union soviétique. Il sait que son pays est en état d’infériorité nucléaire par rapport aux États-Unis et ne doute pas que Washington en profite. Les invectives du président américain Ronald Reagan contre « l’empire du mal » n’arrangent rien. Andropov lance donc l’opération Ryan (acronyme de, « Raketno-Yadernoïe-Napadenie » en russe : attaque par missile nucléaire).

Les « rezidentouras » du KGB à travers le monde n’ont pas pour consigne de confirmer la menace, mais de savoir quand elle aura lieu afin de frapper préventivement. Évidemment, les espions de l’Est ont une liste de vingt indices à vérifier : mouvements de convois militaires à proximité des sites nucléaires occidentaux, augmentation des capacités des hôpitaux, allées et venues inhabituelles des dirigeants qui éloignent leurs familles, etc . Mais ils ne trouvent rien. Pas de preuve.

Paradoxe inouï, c’est l’OTAN qui en fournit une, de taille. Fausse bien sûr. Mais les Soviétiques sautent sur ce signe, fatal. Du 2 au 11 novembre 1983, les forces de l’Alliance atlantique sont en plein exercice… Lequel doit se terminer par la simulation d’un conflit nucléaire. Le « kriegspiel » est baptisé « Able Archer » (archer compétent). Aucun missile n’est déployé. On se contente de tester des systèmes de commandement, de détection, de communication et de cryptage.

L’Armée rouge met ses missiles en alerte maximum

Mais les Russes sont persuadés que l’attaque est imminente. L’Armée rouge met ses missiles en alerte maximum. Ses forces aériennes capables de lancer des têtes nucléaires sont prêtes à décoller. Les sous-marins gagnent leurs positions de tir. Les bases américaines dans le monde ont renforcé, fin octobre, toutes leurs mesures de sécurité à la suite de l’attentat de Beyrouth qui a couté la vie à 242 marines et 58 parachutistes français.

Ce qui nourrit la paranoïa russe. L’OTAN ignore tout de l’état de fébrilité des Soviétiques. Et puis, miracle, le 11 novembre, l’exercice se termine comme prévu. Les Russes rangent leurs fusées. Ils ont hésité.

Un ex-patron de la division soviétique de la CIA dira plus tard : « Le mélange détonant d’Able Archer et de Ryan avait conduit à la situation la plus explosive depuis la crise des fusées de Cuba ».