Venise en guerre contre le tourisme de masse

par Marcelle Padovani |  publié le 30/08/2024

La « Cité des Doges » a décidé de dissuader les touristes par l’argent. Les pauvres sont partis, les riches sont pires…

Canal à Venise où le surtourisme est un problème majeur -Photo Yumiko Kurashige / Yomiuri

Il existerait un “modèle Venise” pour abattre l’« overtourisme », le tourisme de masse qui affecte aujourd’hui les grands sites européens et en particulier les grandes villes d’Amsterdam à Barcelone en passant par Rome et Paris., provoquant de multiples nuisances et des hausses de pollution. La « cité des doges » aurait trouvé comment sauver de l’invasion barbare le pont des Soupirs, le Rialto et la place Saint-Marc, en réduisant drastiquement les entrées dans la ville.  Elles ont atteint 70 000 visiteurs par jour, pour une ville de 37 000 habitants !  Il fallait aussi alléger la surcharge des « motoscafi » et « vaporetti »,  les bateaux qui transportent les visiteurs pour éviter les accidents.

 Venise a choisi la dissuasion par l’argent. Le ticket d’entrée journalier pour le visiteur qui déboule à la gare de Santa Lucia ou sur le Piazzale Roma, attend 5 euros. Il faut débourser 19 euros par personne pour chaque billet aller et retour utilisé pour embarquer sur un « vaporetto ». Soit 96 euros pour une famille de quatre personnes voulant utiliser pour un seul parcours le moyen de transport public vénitien.   Et 24 euros supplémentaires par personne seront réclamés pour la visite d’un musée. Des mesures qui se veulent radicales.

Mais le bilan chiffré de l’expérience révèle quelques failles. L’opération est loin d’avoir rempli les caisses communales. Elle a rapporté 1 million 500 000 euros, alors que sa mise en place du a couté dans les 3 millions. Pire, l’afflux des visiteurs n’a pas baissé sérieusement pendant la période des vacances. Le « tourisme des pauvres », découragé par les couts excessifs, ayant été vite remplacé par un nouveau genre de visiteurs dits du « Tour-apéritif », que personne n’avait vu venir.

Marco Gasparinetti, 60 ans, membre du Conseil communal et militant du très civique « Groupe 25 Avril », raconte : « Des milliers de personnes, surtout des jeunes, ont pris cet été la triste habitude de débouler à Venise après 16 heures 30, l’heure limite de contrôle des tickets journaliers. Pour un « tour » organisé des bistrots de la ville. Puis ils errent, ivres morts, dans les « calle », auxquelles ils n’épargnent ni les vomissements, ni les jets d’urine, ni le dépôt de déchets. Jusqu’à l’aube ».

Le bénéfice est nul pour la ville. Au contraire. « On ne peut que constater l’irritation croissante des habitants face à l’impuissance municipale ». Certains se demandent s’il ne faudrait pas prolonger jusqu’à 20 heures le contrôle des tickets d’entrée et faire grimper leur prix à 10 euros. Tel sera le débat du prochain conseil municipal (23 voix pour, 13 contre) qui se tiendra à la « Ca Farsetti ». En attendant, Marco Gasparinetti se gratte la tête et s’interroge sur le « modèle Venise », qui consiste au bout du compte à remplacer « les touristes nécessiteux »… par des « ivrognes friqués ».

Marcelle Padovani

Correspondante à Rome