Vincent Lindon, l’acteur qui se rêvait président

par Thierry Gandillot |  publié le 10/03/2024

Jouer, représenter, se présenter… il y pense tous les matins en se rasant. Un nouveau César ? Non, l’Élysée

L'acteur français Vincent Lindon pose au 48e Festival du film américain de Deauville - Photo LOIC VENANCE / AFP

Après l’assassinat de Samuel Paty et  les récentes émeutes devant le lycée de Cachan, le réalisateur Nicolas Boukhrief a ressenti l’urgence de rendre hommage à la figure du professeur. Dans « Comme un fils », Boukhrief met en scène un enseignant, interprété par Vincent Lindon, qui a fait le choix de démissionner de l’Éducation nationale. Crise de foi. Déprimé, mais toujours en quête de sens, il se retrouve, à prendre en main un jeune Rom qu’il va tenter d’arracher à la rue, aux vols à la tire et à la tyrannie des adultes qui l’exploitent.

Nicolas Boukhrief a écrit ce rôle « pour Vincent ». « Je le considère comme un monstre sacré dans la mesure où il apporte aux films toute sa dimension humaine, en soi, sans faire de détail. Comme Gabin, Raimu ou Harry Baur, ce n’est pas un acteur à qui on demande de se glisser dans un rôle pour obéir aux diktats du réalisateur, mais que l’on choisit pour tout ce qu’il va apporter au personnage. On se met au service de sa puissance émotionnelle. »

Films politiques

Depuis une quinzaine d’années, Lindon a tourné plus de films politiques qu’aucun autre acteur français. Dans « Welcome » de Philippe Lioret (2009), il est un maître-nageur de Calais qui aide un jeune migrant kurde dans sa tentative folle de rejoindre Douvres à la nage. Deux ans plus tard, dans un curieux et très réussi jeu de miroir,  il est le Premier ministre d’un Président de la République joué par le réalisateur lui-même, Alain Cavalier. Le film s’appelle « Pater », ce qui n’est pas sans faire sens quand on sait le rôle décisif que le père de Vincent, Laurent, directeur dans l’industrie automobile, a joué dans l’imaginaire de son fils.

Vont suivre deux films tournés pour Stéphane Brizé. En 2015, il est un cadre au chômage qui, après des mois d’humiliations répétées, se résout à prendre un job de vigile dans un supermarché. Confronté à la détresse des gens qui chapardent dans les rayons pour manger, tout simplement, il craque. Pour ce rôle, bouleversant, Lindon reçoit un prix d’interprétation à Cannes et un César du meilleur acteur. Surtout, il franchit un pas dans l’engagement et gagne le cœur des gens.

Dans « En guerre » (2018), il est syndicaliste chez un équipementier racheté par un groupe allemand qui décide de fermer la boîte. Violence d’autant plus forte que, pour sauver l’entreprise, les salariés avaient fait quelques mois plus tôt des concessions sur la durée du travail. Contre la promesse d’un maintien de l’emploi. Bientôt,  dans « À la hauteur », on le verra dans le rôle d’un père de famille confronté à l’engagement de son fils à l’extrême-droite. 

Sauter le pas ?

Après avoir pris sur ses épaules toute la détresse du monde, Lindon, va-t-il sauter le pas et entrer pour de bon en politique ? Et, pourquoi pas, se présenter à une élection présidentielle ? L’idée le taraude, dit-on. Chacune de ses interventions, il les réécrit des dizaines de fois afin de trouver les mots qui portent, et les répète devant ses amis pour être sûr que chaque phrase est bien en place.

Même s’il s’en défend, ses prises de parole s’enflamment. Récemment, il s’envolait devant une assistance conquise : « Je suis fou de vous toutes et de vous tous. Je suis fou des Français, je suis fou de la France ». Pour lui, le plus beau compliment n’est pas de s’entendre dire « Tu joues bien », mais « Tu vois, lui, c’est moi. Il me représente ». Jusqu’à se présenter lui-même ? 

Thierry Gandillot

Thierry Gandillot

Chroniqueur cinéma culture