Rwanda : Virunga, un parc naturel au cœur de la guerre

par Jean-Paul de Gaudemar |  publié le 23/04/2024

Ce parc national le plus ancien d’Afrique, pris en tenaille entre de nombreux groupes rebelles, voit son territoire menacé et ses richesses pillées.

Forêt tropicale, Volcans Virunga- Photo Sylvain Cordier / Biosphoto / Biosphoto via AFP

Qui dit Rwanda aujourd’hui songe immédiatement au terrible génocide des Tutsis de 1994. Depuis, cet immense massacre a débordé les frontières du Rwanda. L’Europe peine à voir ce qui continue de se jouer de l’autre côté de la frontière, dans la région de Goma, la grande ville de l’extrême est de la RDC (ex-Congo), et plus particulièrement dans le parc national des Virunga, qui évoque les gorilles de Diane Fossey.

Un immense parc de près de 8 000 km2, la taille de l’Alsace, connu notamment par la variété de sa faune, de sa flore, de la diversité de ses paysages avec ses savanes, mais aussi ses massifs montagneux, parmi les plus hauts d’Afriquen culminant jusqu’à plus de 5 000 m. Son actualité est d’être, depuis plus de trente ans au moins, le théâtre d’une guerre de l’ombre, près de ce point triple entre Ouganda, Rwanda et RDC dans la zone dite du rift albertin.

Lorsqu’en juillet 1994, Paul Kagamé, l’actuel président du Rwanda met fin aux tueries génocidaires, ce sont des milliers et des milliers de personnes qui trouvent refuge en RDC, à Goma ou à proximité, notamment par peur de représailles pour les génocidaires et les représentants de l’État déchu. La ville ressemble alors à un immense camp de réfugiés. Et le demeure encore aujourd’hui, tant les conflits qui agitent depuis lors cette zone aux confins des trois pays ne cessent de pousser puis de repousser dans un sens ou dans un autre de nombreuses populations civiles, ou militaires reconvertis en rebelles. Aujourd’hui, c’est le mouvement dit M23 qui, épaulé par l’armée rwandaise, mène le combat contre l’armée congolaise au nom de la défense des Tutsis congolais et pourrait s’emparer de Goma.

Au cœur de ces conflits incessants, le parc national des Virunga, le plus ancien d’Afrique, qui fêtera l’an prochain son centenaire. Il sert depuis longtemps d’abri aux rebelles en tout genre. Guerre et écologie ne font ici guère bon ménage tant les conflits contribuent non seulement à faire fuir les habitants qui viennent grossir les camps de réfugiés à Goma, mais aussi à détruire la faune et la flore. Car les écogardes du parc ont été depuis longtemps les victimes impuissantes de ces mouvements.

Ainsi du grand troupeau de 600 éléphants, revenu au Congo en 2020 après avoir quitté l’Ouganda, dont tout laisse craindre qu’il ne soit de nouveau victime d’un braconnage démesuré. Ainsi encore de la zone du parc contrôlée par le M23 où vit près d’un tiers de la population mondiale des gorilles de montagne et où les quelques écogardes restants n’ont plus accès. Une population qui s’était bien redressée et qui faisait la joie des touristes quand le parc fonctionnait encore, mais dont tout laisse penser qu’ils sont à nouveau une « espèce en danger ».

Côté flore, le danger n’est pas moindre avec la présence d’un autre groupe rebelle qui a fait du parc sa base arrière, les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), issu des troupes hutues génocidaires, voulant renverser le régime de Kagamé. Ce groupe s’enrichit notamment grâce au « makala », ce charbon de bois issu d’essences de grande qualité, une denrée très appréciée dans un pays encore à faible taux d’électrification. D’où les risques avérés de déforestation accrue et portant sur les essences parmi les plus significatives de la forêt primaire. Une fois de plus, les guerres de territoires n’ont cure des territoires eux-mêmes.

Jean-Paul de Gaudemar

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