Volet social de la crise politique et budgétaire

par Boris Enet |  publié le 05/12/2024

Alors que la crise politique franchit une nouvelle étape, la rentrée sociale pointe son nez avec trois mois de retard, en réaction aux provocations du Ministre de la fonction publique. Une mobilisation dont la captation politique n’a rien d’évident.

Grève de la fonction publique à l'appel des syndicats, manifestation des fonctionnaires et contractuels dans les rues de Toulouse, le 5 décembre 2024 (Photo de Jean-Marc Barrère / Hans Lucas via AFP)

Le 5 décembre, les organisations syndicales de la fonction publique se sont présentées unies, dessinant un front du refus face à l’annonce de mesures vexatoires touchant plus de 5 millions de salariés relevant des trois fonctions publiques. Les conditions de suivi de la grève étaient objectivement réunies après les protestations contre la désindexation des pensions de retraite. Si les bataillons de l’éducation nationale étaient les plus fournis, notamment dans le premier degré avec la fermeture annoncée de milliers d’école et près de 65% de grévistes, le ressort de la mobilisation est pluriel. 

Le plan d’économie du budget 2025 censuré repose sur une ristourne d’1,2 milliard d’euros, grâce au passage d’un jour de carence à trois pour un arrêt de travail. Pour les nombreux petits salaires des fonctionnaires, notamment les catégories B et C, la perte sèche de salaire brut est lourde parallèlement à une réduction de 100% à 90% de la rémunération en cas d’arrêt maladie. 

La lutte contre l’absentéisme pour un service public efficient, bâti avec l’argent public n’a rien de tabou, encore faut-il le faire avec justice, mesure, dialogue et sans ignorer les réalités pratiques. Autant de conditions que cet admirateur d’Elon Musk n’a jamais réuni, au contraire. Multipliant les provocations caricaturales, Kasbarian n’a pas permis les conditions d’un état des lieux serein notamment sur l’absentéisme dans la fonction publique territoriale puisque c’est en réalité ici que le problème se pose. Toutes les études concordent en effet pour indiquer que le taux d’absentéisme dans l’enseignement n’est pas plus important que dans le privé et personne n’avait le toupet, jusqu’à présent, de dénoncer l’absentéisme hospitalier lorsque l’on connait la réalité des conditions de travail du secteur. 

Une fois encore, il est inconcevable d’aborder la question sans refonte de la fonction publique, ce qui lui revient comme tâche auprès de la nation comme ce qui lui est dû à ce titre, en termes de revalorisation salariale, d’évolution de carrière pour des corps de métiers particulièrement divers. M. Kasbarian a abordé le problème sous un prisme strictement comptable, ajoutant le mépris au déni. Même le palais du Luxembourg était intervenu pour réduire de moitié la proposition de suppression de 4000 postes enseignants, c’est dire.

Reste la question du timing et de sa traduction politique. Cette grève et ces manifestations interviennent au lendemain d’un jour historique à l’Assemblée nationale avec une mobilisation dénonçant un budget battu en brèche la veille. 

Cela n’a pas dégonflé la mobilisation, compte tenu du sentiment de mépris qui habite désormais le fonctionnaire. L’extrême-droite, longtemps marginalisée dans le milieu, a désormais pignon sur rue parmi de nombreuses catégories notamment les plus paupérisées. Le développement et le succès de syndicats autonomes, à l’écart des grandes centrales issues de la gauche, en est une illustration. 

Les gauches restent naturellement implantées mais en ordre dispersées dès qu’il s’agit de dépasser le stade de la protestation. C’est une des limites de la mobilisation de ce jeudi. Massive mais sans lendemain ?

Boris Enet