Voter pour la France, la vraie
Le parti lepéniste se proclame le seul représentant de l’identité française. Mais la grandeur de ce pays, c’est de savoir se réinventer, dans le respect des valeurs républicaines
La situation est exécrable : c’est le moment d’inventer.
Exécrable ? À tous égards. En dépit des prévisions des instituts de sondage – qui se trompent souvent en matière de projection parlementaire – le RN peut encore gagner. La fois dernière, rappelons-le, on estimait le gain des frontistes à 40 sièges ; ils en ont remporté 89. Les mêmes erreurs peuvent se répéter : aucune raison, donc, de s’endormir et de laisser, par surprise, le RN gagner quand il devait perdre.
Mais si la menace se dissipe, si le RN échoue, si le Front républicain l’emporte, aucune raison de pavoiser non plus. Même battu, le parti de l’intolérance sera sans doute le premier de France et pèsera de tout son poids sur la vie politique. Il pourra surtout, fort de sa fulgurante progression, espérer à bon droit gagner la prochaine présidentielle. Face à un centre dévalué et à une gauche minoritaire, il a toutes ses chances.
Innover, à tout prix
Dès lors, il est clair que la répétition des mêmes travers mènerait au même résultat : la victoire finale des nationalistes. Il faut donc, à tout prix, innover. C’est-à-dire transformer le « front républicain », apparemment efficace, en politique positive. Aucun parti républicain n’étant majoritaire, les partis anti-RN devront forcément s’accorder. Et donc inventer une politique commune qui réponde, un tant soit peu, aux aspirations du peuple français.
C’est le sens profond du vote de dimanche prochain, qui n’est pas seulement un vote défensif : non seulement barrer la route aux nationalistes, mais aussi jeter les bases d’une manière différente de faire de la politique, élaborer conjointement un programme inédit, qui résolve, pour le moins, une partie des difficultés du pays, qui réunisse les partis démocratiques autour d’un projet d’avenir. En un mot, qui rende l’espoir aux Français.
Le vote de dimanche doit barrer la route aux xénophobes : c’est l’impératif catégorique. Il peut aussi ouvrir une voie de salut républicain. À condition que les partis se hissent à la hauteur du défi, qu’ils changent leur méthode face à un danger majeur, comme ils l’ont fait plusieurs fois dans l’histoire de la République. Définir une stratégie qui fasse honneur à l’histoire de la nation, qui est celle de la chute et du redressement : voilà le défi des semaines à venir, qui consiste à coaliser les forces du renouveau démocratique. Voilà ce que le vote anti-RN, élémentaire, doit préparer, pour que la France reste, in fine, à la hauteur de son histoire.