Voyage vers la lune : Tintin l’a réussi en quatre heures à peine. Record inégalé…

par Jacques Treiner |  publié le 13/01/2024

Ou quand un physicien s’amuse à comparer réalité et fiction

Belgique, Bruxelles, Centre Belge de la Bande Dessinée, Statues du Capitaine Haddock et de Tintin, ici Explorateurs sur la Lune, dix-septième tome des Aventures de Tintin -(Photo BOISVIEUX Christophe / hemis.fr

Vous avez peut-être vu ces images de la récente visite de Poutine dans un centre d’Intelligence artificielle (IA) russe, où deux jeunes ingénieurs présentent quelques photos prises lors du premier voyage lunaire américain et affirment : « l’intelligence artificielle conclut que ces images ne correspondent pas à une réalité ». Fake !? Commentaire du visiteur : « Intéressant… »

La démarche prête à sourire : une IA ne fonctionne que si l’on a chargé sa mémoire de milliers, parfois de millions d’images de la forme à reconnaitre ; s’il n’en existe pas d’authentiques, il y a peu de risque que le programme soit capable d’en re-connaitre une ! Un programme d’IA ne peut reconnaitre un chat si on ne lui a montré que des images de chiens.

Mais saisissons l’occasion pour discuter les conditions physiques du premier « vrai » voyage sur la Lune, non contesté celui-là, celui de Tintin et d’Archibald Haddock dans une fusée conçue par Tryphon Tournesol en 1954, et les comparer au vol d’Apollo 11.

Une surprise, la durée des vols : environne 4 h pour Hergé et 73 h pour Apollo (NASA). D’où vient cette différence ? Tournesol l’explique après que Dupont a malencontreusement coupé le moteur atomique qui accélère la fusée en permanence. Une accélération équivalente à celle de l’attraction terrestre, la pesanteur (9,81 m/s2), permet en effet de « se mouvoir dans cette cabine de la même façon que sur Terre… En coupant le moteur, vous avez supprimé cette pesanteur … voilà pourquoi nous flottons ainsi ». Y compris le whisky du capitaine Haddock, qui sort de son verre sous la forme d’une goutte sphérique (effet réel de tension superficielle), qui laisse Haddock abasourdi : « un honnête whisky ne se comporte p-p-pas de cette façon ! » 

Pour Apollo, la vitesse reste égale à celle atteinte au moment où les moteurs propulseurs cessent leur action. Après, c’est un vol en « chute libre ». Chez Hergé, la vitesse augmente en permanence. On apprend que, 20 min avant le retournement, la vitesse est de 45 km/s, ce qui s’obtient au bout de 76 min (pour les curieux : la vitesse v augmente avec le temps). La moitié de la distance Terre/Lune est ainsi atteinte au bout de 76 + 20 = 96 min. La durée totale est donc 2 fois 96 min, soit 192 min, ou 3 h 12 min (durée un peu inférieure à ce qui est annoncé page 50). Ça colle !

Je ne vous parlerai pas ici du mécanisme de retournement de la fusée (Hergé commet là une erreur de physique), ni de l’astéroïde Adonis , qui existe bien, mais pas entre la Terre et la Lune, et dont la taille, environ 1 km, est bien insuffisante pour que n’importe quel Haddock risque de s’y écraser : sa gravité est bien trop faible ! Légère. Comme cette chronique…

Jacques Treiner

Chroniqueur scientifique