Wauquiez : la double entourloupe

par Valérie Lecasble |  publié le 13/11/2024

Soudain social, le chef de la droite au Parlement a pris la place des ministres pour annoncer une bonne nouvelle aux retraités. Un geste aux multiples arrière-pensées.

Le president du groupe Droite Républicaine à l’Assemblée nationale, Laurent Wauquiez était, lundi 11 novembre, l’invité de Gilles Bouleau pour annoncer deux revalorisations de pensions que l’élu dit avoir obtenu du gouvernement. (Capture d'écran TF1)

Laurent Wauquiez est-il vraiment le leader des députés de droite ? Ou bien aurait-il soudain rejoint le Nouveau Front Populaire ? On pouvait se poser la question en regardant l’interview qu’il a donnée avant-hier à un Gilles Bouleau sidéré pendant le 20.00 de TF1. Après s’être invité sur le plateau, il s’est attribué sans être ministre une mesure… nettement orientée à gauche. Grâce à lui et au travail de ses équipes, a-t-il assuré, le gouvernement de Michel Barnier allait renoncer à geler la revalorisation des pensions pour les Français qui touchent des retraites en-dessous du SMIC, contrairement au projet de budget initial. Et de détailler dans quelles difficultés se trouvent ces millions de bénéficiaires de petites retraites qui peinent tant à boucler leurs fins de mois.

Puis il a énoncé sa solution : revaloriser dès le 1er janvier 2025 l’ensemble des retraites à hauteur de la moitié de l’inflation et procéder le 1er juillet à l’ajustement nécessaire pour la compenser, seulement pour les plus petites retraites, pas pour les autres. Ainsi, les petites retraites auront-elles été entièrement revalorisées en 2025, pas les plus grosses.

On croit rêver. Voici donc le droitier Laurent Wauquiez qui se range à la lettre aux préceptes énoncés par … la gauche, à commencer par ceux de Michel Sapin, l’ex-ministre de l’Économie de François Hollande qui avait le premier insisté dans nos colonnes sur l’impérieuse nécessité de ne pas mettre tous les retraités dans le même panier et de conserver à tout prix le pouvoir d’achat des plus défavorisés.

Devenu tout à coup social, Laurent Wauquiez ? Que nenni. Avant tout électoraliste. Le bataillon des 17 millions de retraités forment on le sait en France le plus gros des troupes sur les listes électorales, surtout à droite où l’on attire les électeurs au fur et à mesure qu’ils avancent en âge. Essentiel donc pour lui de rassurer la plupart d’entre eux, en leur évitant la perspective du gel pendant six mois de leur pension de retraite, ce qui aurait aggravé leurs difficultés financières, en particulier depuis le retour de l’inflation.

Et qu’importe si le manque à gagner pour le budget de l’Etat peut aller jusqu’au milliard d’euros ! Reprenant sa casquette de droite, Laurent Wauquiez se fait fort de les récupérer grâce à l’une de ses vieilles marottes, la fusion d’organismes administratifs qu’il considère comme pléthoriques, tels ceux qui gravitent autour de France Stratégie, dont la mission est la prévision et la planification des stratégies publiques du pays.

Voici donc une double entourloupe. Celle qui consiste à s’arroger personnellement l’arbitrage qui sauve le pouvoir d’achat des petits retraités. Celle qui le fait se rallier aux idées de la gauche, révélatrice de l’inconfort absolu dans lequel se trouve le gouvernement Barnier. Pour une fois que le Premier ministre avait une bonne nouvelle à annoncer, à destination du cœur de son électorat, il se fait voler la vedette par le patron de la Droite Républicaine, en lice pour la prochaine Présidentielle. 

Il ne restait plus au ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, qu’à ramer le lendemain matin sur France 2. Le ministre pris de vitesse a laborieusement expliqué qu’il voulait une « méthode de concertation » pour que « l’évolution de ce texte vienne des compromis entre le gouvernement et les parlementaires du socle majoritaire », à la suite d’un « accord entre le gouvernement et la Droite Républicaine ».

Faute de majorité à l’Assemblée nationale, le gouvernement Barnier est contraint de donner à manger successivement à l’un et à l’autre des présidentiables de son « socle commun » pour tenter de calmer le jeu. Même si personne aujourd’hui ne croit qu’une quelconque fusion des organismes d’Etat, maintes fois planifiée et jamais exécutée, suffira à rétablir rapidement les comptes de la Nation.       

Valérie Lecasble

Editorialiste politique