Xavier Beauvois tient bon la barre
« La Vallée des fous » de Xavier Beauvois, sorti en salle trois jours après le départ du Vendée Globe, raconte l’histoire de Jean-Paul, un homme à la dérive.
Le dimanche 10 novembre à 13h02, comme le veut désormais la tradition, les quarante concurrents du Vendée Globe ont quitté les Sables-d’Olonne. Au même moment, plus d’un million de joueurs, faisaient de même face à leur écran d’ordinateur.
Cette année, Virtual Regatta, simulateur de course au large en ligne, leader mondial du eSailing, annonce 20% de marins digitaux supplémentaires. Lors de la dernière édition, Jean-Claude Goudon, un drômois, ancien ingénieur de Thalès à la retraite, l’a emporté en un temps record de 68 jours, 22 heures, 16 minutes et 4 secondes. Yannick Bestaven a coupé la ligne d’arrivée aux Sables-d’Olonne en 80 jours, 3 heures, 44 minutes et 46 secondes. Pour de vrai… Cette année, « Tigrou 26120 », le pseudo de Goudon, remet son titre en jeu.
« 26120 », c’est le code postal de Montélier, dans la Drôme, où habite Tigrou. « 29940 » est celui de Port-La-Forêt, la Mecque des navigateurs où se sont entraînés, au fil du temps, Tabarly, Le Cam, Riou, Desjoyaux … La Vallée des fous est l’autre nom de Port-la-Forêt. C’est là que Xavier Beauvois ( « Des hommes et des dieux ») situe son film.
Jean-Paul (Jean-Paul Rouve) est au fond du seau. Son restaurant, dont il ne s’occupe plus que de loin, part à vau-l’eau. Il accumule les dettes, picole sévère. Sa femme a quitté le bord, bientôt suivie par son fils Ferdinand (Joseph Olivennes). Celui-ci a préféré ouvrir ailleurs un restaurant écolo-bio dit « locavore » (les produits viennent de cent kilomètres à la ronde maximum).
Les seuls qui restent fidèles à Jean-Paul sont son père (Pierre Richard) et Camille, sa fille (Madeleine Beauvois). Ils ont du mérite car le héros s’accroche chaque jour un peu plus à la bouteille.
Il est temps de larguer les amarres. Dans un grand moment de solitude, Jean-Paul décide de s’installer au fond du jardin dans son bateau remisé là depuis des lustres. Il s’inscrit sur Virtual Regatta et s’enferme avec deux grands crus millésimés. Le premier pour le passage de l’Équateur, le second pour le Cap Horn. Disons-le tout de suite, les flacons ne passeront pas le golfe de Gascogne. Bateau ivre. Mais, passé les Açores, Jean-Paul fait voile au plus près, reléguant les embardées à fond de cale. On ne vous dira pas à quelle place il arrivera aux Sables …
« La Vallée des fous » tient le cap, ce qui ne surprend pas de la part de Xavier Beauvois. Cette histoire de rédemption, chaleureuse, mélancolique et drôle, a peut-être le défaut d’être un peu longue (deux heures), mais elle aborde plusieurs thèmes entrecroisés, notamment la réconciliation père-fils, qui redonnent du souffle à l’équipage. Mention spéciale à Jean-Paul Rouve et Pierre Richard, au sommet de leur forme dans les coups de tabac, comme par temps calme.
À la fin du tournage, Jean Le Cam a embarqué Beauvois dans des rouleaux et des creux de plusieurs mètres. « C’était dingue, confie le réalisateur. Avant j’imaginais ce qu’ils pouvaient vivre, mais depuis cette sortie en mer, j’en sais plus ; cela dépasse mon imagination. »