Yael Braun Pivet, le perchoir comme tremplin ?
La présidente de l’Assemblée nationale est celle qui, appuyée sur l’article 40 de la constitution, veut empêcher le débat sur le texte du groupe LIOT visant à abroger la réforme de la retraite à 64 ans. Portrait d’une femme d’ambition.
Ce n’était pas le premier choix. À l’origine, le camp présidentiel voulait voir Roland Lescure arriver au perchoir de l’Assemblée nationale pour remplacer Richard Ferrand, battu aux législatives. En juin 2022, il fallait un profil tout en rondeur, ami du président, pour relayer ses messages.
Problème, Yael Braun Pivet, ministre des Outre-mer à peine un petit mois, a compris qu’elle avait une carte à jouer, quatre ans après sa première tentative. Après une campagne interne auprès des députés de la majorité, elle a réussi à les convaincre de voter pour elle, devenant ainsi la première femme présidente de l’Assemblée nationale. Roland Lescure, lui, recevra Bercy en lot de consolation.
Le perchoir…le poste est prestigieux et confortable lorsque la majorité est absolue. Dès lors qu’elle devient relative, la charge plus voire cruciale. Mais, “YBL”, comme les médias la surnomment, a montré qu’elle savait naviguer dans la tempête.
Un an plus tard, personne ne la conteste véritablement. Les oppositions, du RN à LFI, saluent son travail. Il faut dire qu’elle écoute leurs doléances, fait respecter les prises de parole des uns et des autres et, surtout, veille à ce que le groupe majoritaire apprenne à composer avec toutes les oppositions.
Quitte à se faire critiquer dans son camp pour ne pas assez soutenir l’action du président. “Est-elle macroniste ?”, se demandaient récemment – selon une indiscrétion du Parisien -, Gérald Darmanin et d’autres ministres.
« Est-elle macroniste ? » se demandait Gérald Darmanin. Voyons. Avocate en droit pénal, investie dans le milieu associatif où elle donne des consultations gratuites, engagée aux Restos du Cœur où elle a été membre du conseil d’administration des Yvelines. Justice, soutien aux plus fragiles…YBL a des convictions et des racines à gauche.
Elle a même, dixit Le Monde , « toujours voté à gauche ». Après s’être expatriée à Taiwan et au Japon durant plusieurs années pour suivre son mari, elle est revenue s’investir, encore une fois, comme trésorière de la section du PS à Tokyo.
En 2017, révélation : elle entend les discours d’Emmanuel Macron qui parle du dépassement des clivages. « Engagée », elle est élue députée et accède au vu de son parcours poste de présidente de la commission des lois. Un coup de poker : « Je n’avais de relations spéciales avec personne […] Pour une fois, ce n’est ni un ami ni un pressenti et je trouve ça bien ! »(Obs)
Pendant le premier mandat d’Emmanuel Macron, elle devient rapporteur du projet de loi pour la confiance dans la vie politique, la création de places de prison et l’amélioration des conditions de vie des détenus et surtout la réforme des institutions. Partisane de la proportionnelle à l’Assemblée, elle veut même revoir le processus du référendum.
Cette belle image de présidente au-dessus des débats enflammés de l’hémicycle en a pris un coup ces derniers jours quand, au moment du vote du texte LIOT proposant l’abrogation de la loi sur la réforme des retraites, elle a surpris tout le monde. Jusqu’ici, dans les médias et en privé, elle assurait qu’elle laisserait le débat et le vote se faire. Elle a changé d’avis, en brandissant l’article 40 de la constitution (1
YBP considère la proposition du groupe LIOT, comme un brin retors et contraire à la constitution. Pression de l’Élysée, de son groupe ou volonté propre ?
Face à son camp qui manque de leaders, sans Richard Ferrand ou Christophe Castaner, face à une majorité étroite et des oppositions tenaces, son rôle pivot de quatrième personnage de l’État lui fait peut-être regarder bien… au-dessus de la voute du Palais-Bourbon.
(1) L’article 40 de la Constitution limite le pouvoir d’initiative des parlementaires en matière financière. Il interdit toute création ou aggravation d’une charge publique et n’autorise la diminution d’une ressource publique que dans la mesure où elle est compensée par l’augmentation d’une autre ressource.