ZAN, DPE, ZFE : les nouveaux épouvantails
La droite et l’extrême-droite ont trouvé un nouveau cheval de bataille : la dénonciation de « l’écologie punitive ». Avec une bonne dose d’hypocrisie.
Trois nouvelles cibles pour la droite et l’extrême-droite : les ZAN, les DPE, les ZFE. Avec des noms pareils, la chose est moyennement étonnante : une nouvelle sorte de zombies ? Des robots tueurs venus de l’espace ? Une variété de virus encore ignorée ? Non : trois mesures logiques mais contraignantes issues de la nécessaire lutte pour le climat. Le principe du « zéro artificialisation nette » (ZAN) vise à limiter le bétonnage des zones rurales ; le diagnostic de performance énergétique (DPE) sert à détecter les « passoires thermiques » ; les zones à faibles émissions (ZFE) cherchent à proscrire, dans certains quartiers, les véhicules trop polluants.
Cette croisade acronymique lancée par les conservateurs vient peut-être de Grande-Bretagne, ou bien des Pays-Bas. Dans une circonscription londonienne, les travaillistes ont perdu un siège imperdable pour avoir imposé des restrictions de circulation au nom des ZFE britanniques. De même, un nouveau parti populiste néerlandais a fait un carton en dénonçant les mesures écologiques qui heurtaient la sensibilité des électeurs ruraux. Il n’en fallait pas plus pour que la droite française – et l’extrême-droite, a fortiori – sonne la charge contre « l’écologie punitive », expression qui n’est pour elle qu’un simple pléonasme. Laurent Wauquiez dénonce hautement les ZAN qu’il qualifie de « ruralicide ». Édouard Philippe lui emboîte le pas pour déplorer la prochaine interdiction de location faite aux propriétaires de « passoires thermiques ». Quant au Rassemblement national, qui croit peu à l’urgence de la lutte pour le climat, il se pose en défenseur des classes populaires menacées par les « dogmes verts » de la bien-pensance bobo.
C’est la nouvelle tactique des sceptiques du climat : celle du « oui, mais ». Oui, le climat est un enjeu essentiel. Mais… les mesures proposées par la gauche, les Verts, les ONG ou l’Europe sont par essence punitives : il faut les rejeter. C’est-à-dire, au bout du compte, ne pas lutter contre les dérèglements climatiques. Le pire dans cette affaire est que ces anathèmes exagérés ne sont pas entièrement dénués d’une certaine vérité. Prise telles quelles, sans accompagnement, sans aide, sans compensation, les mesures préconisées au nom du climat imposent effectivement des dépenses nouvelles aux automobilistes, aux propriétaires de logements hors normes, ou bien brident les communes rurales qui veulent s’étendre. Mais justement, les programmes de gauche, ou bien ceux des écolos réalistes, prévoient tous des compensations financières pour les ménages modestes, de manière à faciliter l’évolution de leur mode de vie. Pas de mutation écologique sans une forte redistribution, c’est-à-dire des prélèvements nouveaux sur le patrimoine ou sur l’héritage des plus favorisés. C’est là que se situe le vrai clivage : la gauche veut redistribuer pour financer la transition, la droite ne veut pas en entendre parler. Alléchée par des gains électoraux, la droite pousse devant elle les bataillons de « ceux d’en bas ». C’est pour mieux défendre ceux d’en haut.