Zao Wou Ki : rendre visible l’invisible

par Jérôme Clément |  publié le 09/03/2024

Impressionnante exposition du grand peintre chinois « Zao Wou Ki, les allées d’un autre monde » aux Franciscaines de Deauville. Un souffle venu d’ailleurs

« Peindre, peindre, toujours peindre, encore peindre, le mieux possible, le vide et le plein, le léger et le dense, le vivant et le souffle », écrivait cet immense artiste franco-chinois. Né à Pékin en 1920, dans une famille traditionnelle et aisée, il se passionne très tôt pour la littérature, l’histoire et le dessin, grâce à son grand-père, grand lettré. Chaque année, on déroule chez lui un rouleau de Mi Fu, célèbre poète et calligraphe de la dynastie Song (XIe siècle) qui le marquera et le conduira à rechercher comment rendre visible l’invisible.

Peindre le souffle ! Dessiner la transparence ! Ses études en Chine, à Hangzhou, lui donnent l’occasion de pratiquer l’art occidental, la peinture à l’huile et l’aquarelle. L’eau, la transparence, la légèreté de l’air, le spectacle de la nature, le conduisent à rechercher « ce qui ne se voit pas, le Qi, ce souffle primordial de la cosmogonie chinoise », écrit Gilles Chazal, commissaire de l’exposition. Plus tard, dans son hommage à Monet, triptyque exposé aux Franciscaines, il développe l’idée d’un monde subtil et mystérieux, un monde caché à la recherche de l’harmonie invisible des forces naturelles.

C’est pourtant à Paris qu’il poursuivra son travail à partir de 1948 au contact de ses nouveaux amis, Manessier, Soulages dont il restera très proche, Hartung, mais aussi outre-Atlantique, Vieira da Silva, Joan Mitchell, ou en Europe Riopelle et surtout Paul Klee. Devenu français, il poursuivra inlassablement une œuvre considérable et multiforme principalement dans son atelier du 14e arrondissement. Aucun peintre n’aura réussi à rapprocher autant l’univers oriental, chinois, et occidental pour créer une synthèse aussi poétique, lumineuse, bouleversante d’émotions suscitées par tant de beauté.

« Je voulais peindre ce qui ne se voit pas, le souffle, la vie, le vent, le mouvement, la vie des formes, l’éclosion des couleurs et leur Fusion »

ZaoWou-Ki

L’exposition de Deauville présente toutes les facettes de l’œuvre de Zao Wou Ki : beaucoup d’œuvres inédites dont le magnifique diptyque « il ne fait jamais nuit », l’hommage à Françoise (son épouse Françoise Marquet), mais aussi de magnifiques encres sur papier, l’écriture des lettres chinoises, la calligraphie, étant en soi un dessin. Ainsi que des aquarelles, admirables de légèreté. On peut y admirer également de superbes porcelaines, des vases, des coupes, des stèles et une tapisserie qui témoignent de la diversité des talents de Zao Wou Ki.

Le tout est présenté dans un écrin parfaitement adapté à l’œuvre, grâce à la lumière zénithale. Le couvent des Franciscaines, ouvert depuis deux ans, offre de grandes surfaces et des espaces complémentaires de bibliothèque, médiathèque, et autres salles de conférence ou de lecture parfaitement réussies.

Cette nouvelle institution culturelle a changé la vie et l’image de Deauville et ce n’est pas le moindre des mérites de cette exposition, ouverte jusqu’à la fin du mois de mai, de faire découvrir un nouveau lieu de culture. Alors, si vous êtes dans la région, foncez !

Jérôme Clément

Editorialiste culture