Zelensky : une étoile pâlit…

par Emmanuel Tugny |  publié le 13/11/2023

Oppositions à l’Est, perte d’influence aux Etats-Unis, guerre Israël-Gaza, Sud russophile, dissensions intérieures et lassitude… Volodymyr Zelensky perd un soutien pourtant crucial.

12 juillet 2023, Lituanie, Vilnius : Volodymyr Selenskyj, président de l'Ukraine, attend la chancelière allemande pour des entretiens bilatéraux en marge du sommet de l'OTAN - Photo Kay Nietfeld/dpa

On se souvient de la leçon du Guy Debord dans La Société du spectacle : ce n’est pas tant l’image qui fait le spectacle que son accumulation par la production capitalistique d’images…

En ce sens, Volodymyr Zelensky est, outre un président brillamment élu et installé sur un matelas de légitimité législative incontestable depuis 2019, un produit du spectacle géopolitique mondial.

Il est une étoile de son « Parnasse », dont chacune des postures rappelle la fonction symbolique de héraut combattant des libertés individuelle et nationale, de sicaire du droit international.

Or, cette étoile vacille et le feu semble insensiblement s’en étioler, au plus grand détriment de la cause qui en assurait le rayonnement…

De la vieille Europe faisant corps derrière l’étoile, que demeure-t-il ? Les bisbilles céréalières lui ont aliéné la Pologne de Duda, La Hongrie de Viktor Orbán semble chaque jour davantage recouvrer sa pente poutinienne, la Slovaquie vient de se donner au pouvoir russophile de Fico ; quant à l’Europe de l’Ouest, elle s’offre de plus en plus à un vote nationaliste qui fait craindre son repli sur un esprit de clocher contraire aux intérêts de l’Ukraine résistante…

En sus, cette Europe « éclairée » a vu le 7 octobre s’ouvrir un second front à Gaza, qui, non content de mobiliser une part de ses pensées et de ses forces, les dirige vers des échos intérieurs qui relèguent au second plan le dossier ukrainien.

Les États-Unis ? Qu’ils soient républicains, c’est-à-dire féaux de l’« America first » ou démocrates et soucieux de ne pas heurter un électorat très amplement anti-interventionniste, ils ne semblent faire de l’Ukraine une question cruciale qu’à l’aune du courage d’une présidence affaiblie par son âge et son isolement politique objectif…

Le « Sud global » ? Il a opté deux fois : pour la Russie antiyankee et pour la primauté du dossier israélo-palestinien, et il bénéficie aujourd’hui de la ferveur d’une Turquie de moins en moins ambiguë…

Le front ? L’Ukraine peine désormais à convaincre qu’elle puisse y mener à bien quelque contre-offensive que ce soit avant les grands froids…

La politique intérieure ? Quoi qu’on puisse penser de sa légalité – la loi martiale interdit en pratique qu’elle se tienne- , ou de son opportunité – 15 % de la population, sous occupation russe, en serait exclue- le report des élections générales d’octobre 2023 au printemps 2024 ne peut que faire de Zelensky, aux yeux d’une opinion internationale de bonne ou de mauvaise foi, l’équivalent de ses voisins autoritaires…

L’étoile elle-même ? Comme les étoiles à l’ère du spectacle outré et court-termiste, elle lasse, et elle lasse d’autant plus que la lassitude qu’elle suscite est opportune…

Or, son vacillement, s’il s’entend, sonne incontestablement comme une menace que le camp démocratique doit à toute force pallier, fût-ce à contre-courant de sa pente du moment.

Emmanuel Tugny, ex-diplomate et écrivain

Emmanuel Tugny

Journaliste étranger et diplomatie