2- Coût et décroissance ?

par Jean Peyrelevade |  publié le 27/01/2024

Que ferons-nous quand les ressources fossiles seront épuisées ? Nos deux experts  ouvrent le débat. La réponse de Jean Peyrelevade: un sacrifice temporaire plutôt qu’une longue dégradation.

L’analyse de Jacques Treiner est très intéressante. J’aimerais d’ailleurs que des membres du GIEC nous disent ce qu’ils en pensent. Car, si elle est juste, la production d’énergies fossiles va nécessairement diminuer à bref délai, quoi que l’on fasse ou pas.

Si tel est le cas, leur prix va augmenter, ce qui ne peut que relancer l’inflation et peser sur le pouvoir d’achat. D’où une incitation progressivement accrue à les remplacer par des énergies renouvelables (solaires et éoliennes en mer) et le nucléaire qui, à terme, coûteront nécessairement moins cher.

Ce passage du pic, s’il est proche, facilitera la transition climatique en la rendant incontournable. Je ne crois pas que cette évolution va en elle-même entraîner un recul à long terme du PIB, donc une vraie décroissance, durablement installée. En revanche, le développement des énergies nouvelles et du nucléaire va nécessiter un énorme investissement sur les deux décennies à venir, de l’ordre de 2 % au moins du PIB chaque année, soit une augmentation de 10 % du niveau actuel. Or s’agissant d’un simple remplacement des modes de production de l’énergie et de certains processus industriels, cet investissement n’aura pas d’effet net positif sur le PIB.

Donc, à PIB donné et même s’il reste en légère croissance, la part relative de la consommation va significativement diminuer, afin qu’une augmentation de l’épargne, libre ou forcée, permette de financer le supplément d’investissement. La première question est simple dans son principe : l’épargne des Français est importante (17 % du PIB chaque année) mais orientée pour l’essentiel vers le logement et les produits de taux.

Comment faire en sorte qu’elle s’investisse davantage dans la transformation de l’appareil productif ? Des résultats sont possibles, mais probablement partiels. D’où la question principale à laquelle les économistes comme les hommes politiques se gardent bien de répondre : comment fait-on, pendant la période de transition, pour réduire la consommation (c’est là que se matérialisera la « décroissance ») et financer l’incontournable augmentation de l’investissement ?

Personne n’ose dire qu’on va connaître, pendant une période assez longue, une hausse significative des impôts, donc un recul possible ou au mieux une stabilisation du pouvoir d’achat. Mais ne perdons pas espoir : on pourra ensuite revenir à la structure stabilisée d’une croissance sans énergies fossiles, donc beaucoup plus durable. Simplement, la période intermédiaire va être politiquement et socialement extrêmement difficile à gérer. Mieux vaudrait s’y mettre tout de suite et aller le plus vite possible, à partir d’une véritable alliance entre sociaux-démocrates et écologistes. Un sacrifice temporaire (en veillant à réduire les inégalités sociales qui en résulteront) est moins nocif qu’une dégradation de longue durée du niveau de vie.

Jean Peyrelevade

Editorialiste