Avions et carbone : faut-il fermer le ciel ?

par Valérie Cohen |  publié le 13/01/2024

Le secteur aérien pèse jusqu’à 4 % des émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. La croissance phénoménale prévue pour le secteur aérien dans les prochaines années est-elle insoutenable dans un ciel qui se réchauffe ?

Patrouille de France et démonstration des awacs lors de la journée portes ouvertes de la base aérienne à Arvord - Photographie Frederic Moreau / Hans Lucas

Le Président a donc annoncé à l’été 2023 des investissements massifs, 8,5 milliards d’ici à 2027, pour produire des avions moins polluants et soutenir ainsi la filière aéronautique tout en répondant au défi de la neutralité carbone à terme. Très bien. A condition :

– 1. que la technologie en termes de fiabilité soit au rendez-vous. Hydrogène : on attend au mieux un prototype en 2035. Biomasse : grosse concurrence entre les différents usages et prix élevés. Avions électriques : batteries électriques lourdes et non adaptées au long courrier.

– 2. que les délais de développement soient compatibles avec la vitesse d’aggravation du climat. Pas gagné.

-3. que l’on raisonne à trafic égal. Et ce n’est pas ce qui est annoncé. Airbus annonce une augmentation de sa production dans les 20 prochaines années.

On prévoit donc de réduire les émissions à l’unité, par avion, mais d’augmenter le nombre d’avions et de trajets. Tous les progrès réalisés depuis les années 70 – gains d’efficacité de 80 % par avion ! – ont été annulés par les augmentations de trafic – multiplié par 13 sur la même période.

Il est probable qu’on ne fasse pas mieux dans les prochaines années puisque la demande ne cesse d’augmenter, notamment dans les pays émergents. On attend 4,7 milliards de passagers en 2024, niveau jamais connu jusqu’ici. Et les prévisions à plus long terme confirment cette tendance : alors qu’il y a déjà un peu plus d’un vol par seconde dans le monde, le trafic aérien devrait doubler en 2037 et même tripler d’ici 2050.

Les solutions techniques n’y suffiront donc probablement pas. Reste la réduction du trafic aérien. Cette piste est envisageable, mais délicate : le secteur emploie beaucoup de monde et draine d’autres secteurs comme le tourisme, le commerce, la logistique.100€ de PIB généré par le secteur aérien apporte 200 € de PIB à l’économie. Une planification rigoureuse serait nécessaire pour réussir cette mutation.

Mais imaginons tout de même que des technologies nouvelles ultra-performantes permettent un jour de faire baisser les émissions de façon si importante que l’on puisse à la fois réduire les émissions tout en augmentant le trafic aérien.

Le problème restera malheureusement entier pour ce qui concerne la préservation de notre environnement, car pour produire plus d’avions et de services il faudra toujours plus d’énergie, de plastiques, d’acier, de béton, d’eau, de terres et de goudron pour les nouveaux aéroports.

Ces besoins de ressources à l’infini sont-ils envisageables ? Ces ressources auront, on le sait, une fin. Se pose donc inéluctablement la question de la sobriété, c’est à dire : comment vivre bien dans le respect des limites planétaires. Cette sobriété devra être accompagnée, expliquée, planifiée sur le long terme – si possible par une gouvernance mondiale au moins pour les ressources vitales et rares – pour ne laisser personne sur le carreau en termes d’emploi ou de maintien des services publics.

Valérie Cohen

Ecologie-Environnement