Débat Peyrelevade-Attali: Les riches, les revenus et le patrimoine

par LeJournal |  publié le 14/06/2023

Jean Peyrelevade contre Bernard Attali. Pas d’accord du tout sur la taxation du patrimoine. A lire dans nos colonnes…

Cette fois, la parole est à Jean Peyrelevade

Bernard Attali et Jean Peyrelevade

« Réponse à Bernard Attali » de Jean Peyrelevade

Mon cher ami Bernard se trompe dans l’interprétation de mes propos.Oui,je suis pour l’imposition permanente (pas exceptionnelle) du patrimoine.Il représente au total plus de cinq fois le PIB et se trouve détenu à plus de 90% par les 50% de Français les plus favorisés.

0,3% d’imposition annuelle sur la totalité du patrimoine des ménages (sans distinction par nature) représenterait donc un revenu fiscal annuel de 1,5%.Trouve mieux comme recette,mon cher Bernard,et je m’alignerai volontiers.

Pourquoi ne peut-on guère aller plus loin (de mon point de vue)? Pour plusieurs raisons:si les intéressés s’expatrient,il n’y a plus de croissance du patrimoine en France:on aura reconstitué quelques siècles plus tard pour d’autres raisons idéologiques le départ des protestants,puis des nobles,pour le plus grand dommage de notre économie.Par ailleurs,tout impôt est payé par les revenus annuels:au-delà du seuil de 75% des revenus, le Conseil Constitutionnel considérera l’imposition comme confiscatoire.L’impôt sur le seul revenu des plus riches est aujourd’hui de 49%,ce qui nous laisse une marge maximale de 26 points,et permet d’imposer les patrimoines jusqu’à 90 fois le revenu annuel des intéressés (90×0.3=27).Ce n’est probablement pas suffisant pour atteindre au même niveau de 0,3% les plus riches.Sauf,ce qui serait une réforme intéressante,à baisser l’impôt sur le revenu pour tout le monde.

Enfin il serait prudent de travailler à l’échelle européenne plutôt que d’encourager comme par le passé le départ massif de nos familles d’entrepreneurs (PME comprises,cher Bernard( vers la Belgique ou le Luxembourg).Des raisons évidentes de confidentialité m’interdisent de donner des exemples.Mais tous les banquiers (et le fisc probablement) en connaissent les très longues listes.

Sans augmentation du patrimoine,il n’y a pas de croissance,et réciproquement 

Amitiés mon cher Bernard

Ce texte répond à celui de Bernard Attali ci-dessous

« Réponse à mon ami Jean… » de Bernard Attali

J’ai lu avec attention la tribune de Jean Peyrelevade. Il a raison de dire que revenu et patrimoine sont deux choses différentes. Mais personne ne le nie. Il reconnait que l’actionnaire s’enrichit naturellement plus que les salariés !

Évidemment. Les plus fortunés contrôlent des sociétés dont les bénéfices ne sont pas distribués et sont uniquement soumis à l’IS, bien inférieur que la tranche supérieure de l’IR. Et leur revenu échappe largement aux droits de succession, du fait du pacte Dutreil, notamment. Ce sont ainsi des dizaines de milliards qui échappent à l’impôt. C’est ce que je voulais dire dans une précédente chronique… critiquée alors par Jean.

Ce qui me surprend c’est sa résignation devant une situation aussi explosive. Que cela soit difficile à corriger c’est clair. Pourquoi en conclure que ces inégalités « gigantesques » sont impossibles à atténuer ? Pourquoi baisser les bras et assumer le risque d’une explosion sociale majeure ? Les disparités excessives de situation sont devenues intolérables pour beaucoup de Français !

Il est évidemment hors de question de taxer davantage la très grande majorité d’entre eux. Mais en prenant l’exemple d’une PME à l’appui de son propos, Jean Peyrelevade fausse le débat. Par contre demander un effort de solidarité aux plus gros patrimoines relève de l’urgence économique et morale.

Affirmer que les plus fortunés n’investiront plus c’est un argument de droite éculé. Le détenteur d’un patrimoine sait que ne plus investir c’est le meilleur moyen de dévaloriser son actif.

Si, comme je le pense, nos besoins à venir -écologiques, militaires…- sont d’une ampleur exceptionnelle, il n’est pas anormal d’en appeler à une solidarité nationale exceptionnelle.

Allons Jean ! Je vous ai connu moins désabusé.

B. ATTALI

Cet article est la réponse à la tribune de Jean Peyrelvade

( ci-dessous)

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