GB Immigration Brexit : gros mensonges d’État

par Denis McShane |  publié le 29/05/2023

Les conservateurs anglais sont dévorés par les mensonges selon lesquels le Brexit mettrait fin à l’immigration vers l’Angleterre. Radiographie d’une fiction

L’immigration a toujours été un sujet politique empoisonné, en Grande-Bretagne comme dans les autres démocraties. Aujourd’hui, le Parti conservateur europhobe espère  utiliser l’arrivée d’étrangers en Grande-Bretagne pour garder le pouvoir mais tous les sondages montrent que les conservateurs seront remplacés par les travaillistes l’année prochaine.

Les derniers sondages montrent que seuls 9 % des Anglais pensent que le Brexit est une bonne idée. Or, le Brexit était essentiellement un vote… contre l’immigration.

 Tony Blair a commis un erreur avec l’Irak, mais il a contribué à l’intégration des pays ex-communistes dans l’Union européenne en leur permettant de voyager et de chercher du travail en Grande-Bretagne, alors que d’autres pays ont érigé des barrières contre le « plombier polonais ».

Paradoxe : des immigrés de la génération précédente ont décidé que le vote du Parti conservateur dépendait de la création d’un climat de peur et de rejet des immigrés venus… d’Europe continentale

L’une des raisons de la croissance économique sous Blair est l’arrivée de 4 millions d’Européens travailleurs, dont beaucoup ont reçu une bonne formation dans les écoles techniques et les systèmes d’apprentissage de l’Europe communiste qui restaient en place après le fin du communisme.

 Ils ont payé des loyers, acheté de la nourriture et des vêtements dans les magasins anglais, et beaucoup ont rempli les églises catholiques d’Angleterre.

Paradoxe : des immigrés de la génération précédente comme Rishi Sunak, dont les parents étaient indiens, ou Kwasi Kwarteng, le ministre des finances de Liz Truss, qui venait du Ghana, ou le ministre de la santé Nadim Zahawi, un Kurde irakien, ou le ministre des finances de Boris Johnson, Sadiq Javid, un Pakistanais du Cachemire, ou l’actuelle ministre de l’intérieur, Suella Braverman, une bouddhiste indienne de l’île Maurice… tous ont décidé que le vote du Parti conservateur dépendait de la création d’un climat de peur et de rejet des immigrés venus d’Europe continentale.

Il l’a emporté lors de la campagne du Brexit en 2016, puis lors de deux élections générales en 2017 et 2019.

 Contrairement au contexte antimusulman des politiques d’immigration en France et dans la plupart des pays continentaux, l’hostilité anglaise était principalement dirigée contre ceux qui arrivaient de l’UE. À la suite du Brexit, environ 500 000 citoyens européens ont quitté le Royaume-Uni, car les règles et les coûts du Brexit leur rendaient la vie difficile, qu’il s’agisse de vivre, de travailler ou de fonder une famille.

Alors que le personnel médical de l’UE était contraint de quitter le Royaume-Uni, les hôpitaux anglais ont dû envoyer des équipes de recrutement pour embaucher des médecins et des infirmières

 À leur grande horreur, les ministres conservateurs ont découvert que les Européens étaient des médecins, des infirmières, des travailleurs qualifiés, des techniciens de l’informatique, ou qu’ils étaient prêts à travailler dur dans l’agriculture, le BTP, les Ehpad, à livrer des colis et des repas au domicile des Anglais ou de la nourriture dans les supermarchés pendant que les Anglais autochtones dormaient dans leur lit.

 

 Alors que le personnel médical de l’UE était contraint de quitter le Royaume-Uni, les hôpitaux anglais ont dû envoyer des équipes de recrutement pour embaucher des médecins et des infirmières en Inde, au Nigéria ou aux Philippines pour faire le travail que les citoyens de l’UE maintenant expulsés vers le continent avaient fait.

La promesse du Brexit était que la Grande-Bretagne « reprendrait le contrôle » des frontières et des immigrants. Mais aujourd’hui, Sunak panique…

 La promesse du Brexit était que la Grande-Bretagne « reprendrait le contrôle » des frontières et des immigrants. Mais aujourd’hui, Sunak panique car les derniers chiffres de l’immigration affichent le plus grand nombre d’immigrants jamais entrés en Grande-Bretagne en une année. 1,2 million d’immigrants sont arrivés en 2022. Les promesses malhonnêtes faites par Boris Johnson et Rishi Sunak de réduire l’immigration grâce au Brexit se sont révélées être un mensonge.

 Nous parlons bien d’immigrants qui arrivent avec des visas. Il y a aussi les réfugiés, les demandeurs d’asile ou les migrants économiques. La plupart d’entre eux fuient les guerres et les terreurs des États défaillants d’Irak, de Syrie et de Libye, créés par la politique échoués de Tony Blair et de Nicolas Sarkozy. L’incapacité de Macron à stabiliser le Sahel, le Liban ou les nations du Mahgreb, notamment la Tunisie, envoie également de plus en plus de réfugiés du monde arabe et d’Afrique.

 Certains arrivent en zodiacs en traversant le détroit de Douvres. Les politiciens anglais pro-Brexit et la presse francophobe accusent Paris sans jamais signaler que la France, l’Italie, la Grèce, les pays nordiques et l’Allemagne accueillent beaucoup plus de demandeurs d’asile que la Grande-Bretagne.

Les syndicats anglais peuvent être aussi brutaux que les politiciens racistes anti-immigrés en refusant l’accès au marché du travail aux demandeurs d’asile

 Personne n’a donc de solution, meilleure que Gerald Darmanin ou Georgia Meloni. Le parti travailliste se réjouit de la déconfiture de Sunak et des Tories. Mais Sir Keir Starmer chef de l’opposition officielle – ne propose pas, lui non plus,  d’autoriser les travailleurs européens à entrer au Royaume-Uni pour y travailler librement, de sorte qu’il devra, lui aussi, faire venir les travailleurs nécessaires d’Asie et d’Afrique.

 Les travaillistes affirment qu’ils formeront davantage de médecins et d’infirmières. Peut-être. Mais la formation d’un médecin prend plus de temps qu’un mandat parlementaire de cinq ans. Les travaillistes affirment également qu’ils traiteront plus rapidement les dossiers des réfugiés. Là encore, peut-être-être. Mais en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme, les avocats peuvent faire appel des décisions de refoulement des réfugiés et ces procédures peuvent durer des années.

 Aucun pays ne peut à lui seul relever le défi des mouvements de masse créés par les guerres, les invasions, les autocrates brutaux et l’Iphone

Une politique évidente appliquée en Suède consisterait à permettre aux demandeurs d’asile de travailler. Mais les syndicats en Angleterre, comme leurs confrères sur le continent, peuvent être aussi brutaux que les politiciens racistes anti-immigrés en refusant l’accès au marché du travail aux demandeurs d’asile.

  Aucun pays ne peut à lui seul relever le défi des mouvements de masse créés par les guerres, les invasions, les autocrates brutaux et l’Iphone de chacun montrant une vie meilleure dans les pays riches du Nord.

L’UE n’est plus tendre avec les migrants. La politique xénophobe et anti-immigrés est politiquement rentable, comme le démontrent Erdogan en Turquie, Meloni en Italie, Vox en Espagne, Mitsotakis en Grèce, Darmanin en France ou Orban en Hongrie.

En Europe, les conservateurs anglais racistes dénoncent Sunak pour avoir ouvert la porte à plus d’un million d’immigrés. Cela fait évidemment partie de la bataille pour transformer le parti Tory après sa défaite l’année prochaine en un parti de type Trump, Le Pen, Orban.

Constat : la gauche n’a pas de réponse et ne peut qu’espérer, comme en Angleterre, que la responsabilité de l’augmentation constante de l’immigration soit rejetée sur la droite – au moins jusqu’aux élections de 2024.

Denis MacShane est l’ancien ministre de l’Europe au Royaume-Uni.

Denis McShane

Correspondant à Londres