Hydroxychloroquine : un naufrage scientifique… mortel

par Professeur Frédéric Adnet |  publié le 06/01/2024

17 000 morts de trop dans 6 pays (France, Italie, USA, Belgique, Turquie, Espagne) associés à l’hydroxychloroquine pour des malades COVID-19 hospitalisés ? C’est le résultat d’une étude récente qui fait le premier bilan d’un délire collectif…

Paracelse (1493-1511) nous a enseigné que l’administration d’un traitement résultait d’un équilibre entre les effets bénéfiques et les effets indésirables. Le problème est que lorsque l’effet thérapeutique est nul, alors nous ne pouvons observer que les effets indésirables dont la mortalité est le résultat le plus catastrophique. Comme le soulignent les auteurs, ce chiffre de 17 000 morts – effrayant au demeurant – est très probablement la partie émergée de l’iceberg.

En effet, la folie qui a accompagné l’aventure de l’hydroxychloroquine a généré une mortalité probablement beaucoup plus importante. Elle a plusieurs origines : les nombreuses prescriptions « sauvages » de malades ambulatoires chez des patients les plus fragiles et dont les précautions d’emplois (notamment par la réalisation d’un électrocardiogramme) n’ont jamais été réalisées. Ce sont les patients âgés polypathologiques et notamment cardiaques.

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Il faut ajouter à ce chiffre la fausse assurance d’un traitement à l’hydroxychloroquine qui a emporté les patients vers des prises en charge inadaptées par des praticiens sensibles à la désinformation médicale. Ces patients ont probablement payé un lourd tribut. La croyance en l’hydroxychloroquine a été le point de départ d’un mouvement de défiance envers la médecine traditionnelle et en particulier les vaccins, générant, la aussi une mortalité scandaleuse par défaut de vaccins.

Alors pourquoi ce massacre ?

L’histoire de l’hydroxychloroquine commence par un article chinois sans grande valeur scientifique qui mettait en évidence un effet antiviral possible de cette molécule sur un modèle expérimental de cellules rénales publié en février 2020. L’équipe de l’Institut Hospitalo-Universitaire Méditerranée-Infection de Marseille teste cette hypothèse en réalisant un essai sur 24 patients. Cette étude montre une diminution du pourcentage de patients infectés dès le troisième jour de traitement par l’hydroxychloroquine.

Jusqu’ici, tout va bien ; ce n’est pas la première fois que des chercheurs testent une hypothèse « limite » à partir d’un article ou d’observations un peu « farfelus ». L’histoire des sciences fourmille d’exemples où des avancées fondamentales ont été obtenues à partir d’observations où le hasard l’emportait sur l’analyse scientifique.

Rappelons-nous les boites de cultures bactériennes contaminées par une moisissure qui ont donné naissance à la découverte des antibiotiques. Ou les plaques photographiques voilées par des rayonnements issus de sels d’uranium posés à proximité qui permettront la découverte de la radioactivité. Ainsi, le lièvre hydroxychloroquine étant levé, la démarche scientifique aurait dû s’imposer.

Et c’est à ce moment précis, où tout déraille.

L’équipe de cet institut ne procède pas au b.a.-ba de la recherche clinique en débutant une étude confirmatoire, comparative, randomisée qui aurait pu définitivement valider ou non l’hypothèse. Bien au contraire, une annonce médiatique pleine de certitudes par le responsable de cet institut, en s’enfermant mentalement sur la validité de cette hypothèse ,crée immédiatement… un buzz mondial !

Le peuple et les gouvernants ne veulent qu’une chose : LE traitement miracle. Qui est bien mieux accepté qu’un doute scientifique.

On connait la suite, l’emballement médiatique, les réseaux sociaux, une désinformation massive avec ses dérives politiques malgré le message des méthodologiques annonçant que rien n’est prouvé et qu’il faut attendre les résultats d’une recherche de bonne qualité. Inaudible. La « chance » (sic !) était, en plus, du côté de ces apprentis sorciers avec l’affaire du « Lancetgate » ou les revues scientifiques de haut niveau se sont laissé piéger par des articles truqués. Elles aussi devenaient parties prenantes dans ce tourbillon médiatico-scientifique, oubliant les critères stricts de sélection des travaux scientifiques candidats à publication.

Bilan. Aujourd’hui, on peut affirmer, avec un haut niveau de preuve : l’hydroxychloroquine ne marche pas. Elle n’est pas efficace sur les modèles cellulaires ni sur les modèles animaux. En recherche humaine, elle est inefficace en prévention, lors du traitement des formes légères ou des formes graves de la COVID-19.

Reste à contempler l’étendue des dégâts. Elle se mesure en énergie perdue par la réalisation de multiples essais extrêmement couteux qui, finalement, n’ont servi à rien. Elle se mesure aussi en patients victimes d’un traitement qui a généré une mortalité iatrogène, (c’est-à dire qui est en relation avec une thérapie ou en résulte.) Elle s’apprécie par la naissance d’une défiance de la science qui ne laisse présager rien de bon dans notre approche sur d’autres défis menaçant la santé et la planète, je veux parler en particulier du réchauffement climatique.

Dernier constat : oui, les scientifiques sont des hommes et des femmes comme les autres, qui peuvent exprimer des sentiments humains comme de la mégalomanie, de la jalousie, de la haine et de la malhonnêteté.  La blouse blanchene peut pas effacer le caractère humain de ceux qui la mettent en œuvre.

Ne jamais oublier : le doute est la raison. Et la certitude est une croyance.

Professeur Frédéric Adnet

Chroniqueur médical