Israël : l’indispensable retenue
Quel que soit leur bon droit face à l’attaque iranienne, les Israéliens ne peuvent ignorer le risque mortel qu’une réplique massive ferait courir à la région. Et à eux-mêmes.
Un pays qui subit en une nuit l’attaque de centaines de drones et de missiles, lesquels ont répandu la terreur dans toute la population, peut-il rester sans réagir ? C’est la délicate question à laquelle les dirigeants israéliens – et tous les observateurs de bonne foi – doivent répondre aujourd’hui.
Laissons de côté ceux qui dénient à Israël les droits élémentaires dont disposent toutes les autres nations, ce qui revient à avouer qu’ils lui dénient aussi le droit d’exister. Agressés massivement sur leur territoire, suspendus à l’efficacité d’un système de défense qui comporte, comme tous les systèmes, ses failles et ses insuffisances, les Israéliens ont dans le principe toute légitimité à répliquer par une attaque proportionnée sur le sol de l’agresseur. N’importe quel autre gouvernement l’aurait sans doute déjà fait.
Seulement voilà : le raisonnement stratégique n’est pas seulement affaire de principe. Il ne peut pas non plus reposer sur de simples paris, par exemple celui d’une soudaine modération du régime des mollahs, qui abandonnerait sa posture de guerre en dépit d’une attaque meurtrière sur son sol. Ils ne sauraient obéir aux règles du poker, mais bien plus à celles du jeu d’échecs.
Quel sera le coup d’après ? On le devine facilement : bombardés chez eux, sans disposer de bouclier anti-missiles, et donc soumis à des destructions importantes, les Iraniens seront placés devant une alternative : céder la queue basse, ou répliquer de nouveau. Qui peut faire fond sur la première solution ? Et si nouvelle réplique il y a, le conflit change de nouveau de dimension pour devenir une guerre aérienne massive, dont l’extension est imprévisible. Chacun des camps, on le sait, a des alliés puissants, qui ne pourront pas rester impassibles, Russie et Chine d’un côté, États-Unis et pays européens de l’autre. Ce qui nous conduit à un risque de déflagration générale.
Demande unanime
D’où l’unanime demande de retenue formulée par les alliés d’Israël, qui doivent tous faire face en même temps à d’autres menaces, l’Ukraine en mauvaise posture face aux Russes pour les Européens, la Chine et ses vues sur Taïwan pour les États-Unis. La raison commande donc une réaction israélienne différée et limitée, fondée sur l’idée qu’il y a d’autres moyens d’affaiblir le régime de Téhéran que de le soumettre à une attaque aérienne massive.
Paradoxalement, Israël tire un bénéfice diplomatique et militaire de ce tragique épisode : ses alliés se sont mobilisés comme un seul homme pour faire échouer l’attaque, y compris la Jordanie. C’est en maintenant cette coopération et en écoutant ceux qui ont montré leur solidarité à l’heure du danger et plaident aujourd’hui pour la retenue, que les Israéliens peuvent surmonter l’épreuve. C’est aussi en comprenant, enfin, que la poursuite indéfinie de la guerre de Gaza agit sur l’équilibre de la région comme une torche dans une poudrière.
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