Kennedy : quel complot ? « Le monticule herbeux » (3)

par Laurent Joffrin |  publié le 23/11/2023

Soixante après, le public est toujours persuadé que l’assassinat de John Kennedy est le résultat d’une ténébreuse machination. Est-ce si sûr ? Troisième partie : un autre tireur ?

Dallas

Le film réalisé sur place par Abraham Zapruder, un témoin muni d’une petite caméra, montre que John Kennedy est rejeté en arrière sous l’impact de la troisième balle. On en a déduit que le tir venait de l’avant, du « monticule herbeux » qui borde Elm Street, par exemple, ce qui prouverait la présence d’un deuxième tireur et donc l’existence d’un complot.

Malheureusement, plusieurs experts médicaux indépendants, tous très qualifiés, ont expliqué que la destruction instantanée d’une grande partie du cerveau pouvait fort bien expliquer le raidissement brutal du corps du président et son mouvement vers l’arrière. Ces experts peuvent se tromper. Mais leurs adversaires aussi. Au pire, on ne peut pas conclure. Autrement dit, la preuve du complot par le film de Zapruder n’en est pas une.

Le Carcano n’est pas un fusil automatique, il faut le réarmer après chaque tir. En analysant le même film de Zapruder, on a affirmé qu’Oswald, tireur moyen, n’avait pas eu le temps de faire feu trois fois et donc qu’il y avait forcément un autre tireur. Dans le film, la voiture présidentielle s’engage sur Elm Street et passe derrière un panneau. A ce moment, Kennedy est atteint par une balle et porte ses mains à sa gorge. Puis le coup fatal fait exploser son crâne.

On en a déduit qu’Oswald avait tiré une première fois en touchant Kennedy dans le dos, qu’il avait manqué son deuxième tir, blessant le témoin Tague de l’autre côté de la place, puis réussi le troisième, tuant le président. Mais en chronométrant l’action, on est tombé sur une impossibilité : les trois tirs s’étalent sur six secondes ; aucun tireur ne peut réussir une telle performance, puisqu’il faut au moins deux secondes et demie pour armer le fusil et tirer. Dès lors il semblait clair qu’il y avait un autre assassin.

Jusqu’à ce qu’une analyse plus fine démontre qu’Oswald a sans doute disposé de plus de temps. Dans le film, dès l’entrée de la voiture dans Elm Street, on voit le gouverneur Connally réagir à un bruit, nettement avant que Kennedy ne soit touché au cou. Dans ce cas, le premier tir a eu lieu plus tôt et l’ordre des tirs est différent : d’abord la balle manquée qui blesse Tague, puis les deux coups qui font mouche. Le chronomètre montre alors que les trois tirs s’étalent sur neuf secondes et non six. Oswald a pu tirer seul.

On a produit une abondante littérature à propos du « monticule herbeux » où plusieurs témoins situent un deuxième tireur : S. M. Holland dit avoir vu un nuage de fumée, un autre passant a remarqué des hommes suspects, un troisième un véhicule douteux, etc. Mais d’innombrables analyses photographiques ont été réalisées. Elles n’ont rien donné. Personne n’a pu apporter une preuve tangible de la présence d’un tireur.

Et surtout, la thèse se heurte à une objection impressionnante : il y avait plusieurs personnes sur ce monticule, comme on le voit sur les photos. Si le tireur a agi à cet endroit, il était au milieu d’un petit groupe. La détonation aurait conduit ces témoins à se retourner, à voir le tireur de très près et à le raconter à la police. Aucun ne l’a fait. Là aussi, l’affaire du « monticule herbeux » aboutit à des supputations, non à des preuves.

Lire tous les articles de la série sur leJournal.info :

1 : Kennedy : quel complot ? « L’exécution »
2 : Kennedy : quel complot ? « L’homme qui a tiré »
3 : Kennedy : quel complot ? « Le monticule herbeux »
4 : Kennedy : quel complot ? « La balle magique »
5 : Kennedy : quel complot ? : « Mystère dans le mystère »

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Laurent Joffrin