La catastrophe invisible

par Valérie Cohen |  publié le 18/10/2024

Les effets du dérèglement climatique sont encore ténus. Mais dans l’ombre, sans que nous le voyions, le désastre se prépare.

Une femme et son enfant marchent dans une rue inondée à Coulommiers, dans le département de Seine-et-Marne, le 10 octobre 2024. (Photo de Jerome Gilles / NurPhoto via AFP)

Le dérèglement climatique – que certains nient – est à l’œuvre. Mais si vous avez la chance de ne pas être parmi ceux qui en souffrent en ce moment dans leur chair, qui ont tout perdu et qui reperdent tout à nouveau à cause des inondations ou des incendies, que vous pouvez goûter autour de vous la tranquillité d’une campagne verdoyante, d’une mer accueillante ou même d’une ville parfaitement fonctionnelle, vous imaginez peut-être que l’effondrement est loin de se produire, du moins à grande échelle.

Je vais donc vous raconter mon histoire, banale mais très instructive. J’achète en 2007 un appartement neuf, dans un immeuble cossu construit par un promoteur célèbre. En 2011, l’appartement est entièrement détruit par un incendie brutal et complètement imprévisible dans un immeuble neuf. Que s’est-il passé ? d’après les spécialistes, le feu s’est déclenché à cause d’un radiateur dont les fils électriques étaient d’un calibre insuffisant. Chaque hiver, radiateurs en chauffe, la protection de ces fils s’abîmaient jusqu’à ce mois de décembre 2011 où nous avons augmenté légèrement le chauffage et où l’incendie s’est déclaré ; Les fils courant dans toutes les gaines autour de l’appartement, le feu s’est déclaré partout en même temps forçant ma fille présente à s’échapper, pieds nus, par la terrasse.

Le tableau fut donc le suivant : une minute avant, mon appartement était en parfait état, cocon familial rassurant et la minute d’après, il n’en restait pas grand-chose si ce n’est, bizarrement, le canapé bleu clair acheté chez Ikea des années auparavant qui trônait, intact, au milieu d’une scène de guerre… surréaliste.

Si je raconte cette histoire c’est pour figurer ce qui se passe pour notre environnement sur terre. Tout paraît tenir, tout paraît aller toujours plutôt bien malgré quelques alertes qu’on oublie rapidement (qui se souvient des nombreuses fuites d’eau ou coupures électriques dans son habitation ?). Mais, de façon invisible (dans les plinthes), le feu couve, la catastrophe se prépare et un jour, sans prévenir, le chaos se déchaînera et il sera trop tard pour y remédier.
Dans mon cas, il existait une mesure de prévention : le 18. Des gens formés à intervenir vite et des infrastructures en place pour qu’ils puissent travailler. Ils ont éteint l’incendie et j’ai reconstruit.

Pour le climat, peu de prévention, pire, on continue allègrement à faire chauffer la machine en fantasmant des solutions techniques – futures – au cas où l’on admettrait un jour que ça chauffe vraiment trop. Mais, pour la planète, point de pompiers, point de plan B, point de retour à la case départ. Et le point de bascule n’est peut-être pas si loin.

Nous ne pouvons qu’écouter ce que les scientifiques nous disent et avoir le courage et la volonté de travailler dès aujourd’hui, même si notre monde parait encore immuable, à réduire notre impact sur la planète en imaginant des solutions, techniques, pourquoi pas, mais surtout d’organisations économico-sociales permettant de vivre tous ensemble, dans les limites planétaires. Je parie que ce projet sera enthousiasmant et mieux, qu’il permettra à tous de vivre mieux, avec moins – matériellement – pour certains, avec plus, pour d’autres (rétablissons certains équilibres) en étant plus attentifs à la nature qui nous fait vivre et nous rend plus heureux que la course actuelle à la technologie, à l’argent, au pouvoir, aux possessions.

Réfléchissez : quand vous cherchez à vous ressourcer, vous allez dans la nature ou à la Défense ?

Valérie Cohen

Ecologie-Environnement