La révolte des agriculteurs

publié le 27/01/2024

La France n’est que le dernier pays d’une longue liste à voir ses éleveurs et ses paysans bloquer les routes. Petit tour d’Europe des jacqueries. Par Malik Henni

Manifestation des agriculteurs a l appel de plusieurs syndicats pour protester contre le risque de disparition de productions agricoles francaises - Photo Laure Boyer / Hans Lucas

La Lituanie commence à voir ses fermiers occuper les artères de la capitale Vilnius. Une longue manifestation dans le calme, escortée par la police, sans dégradation s’est tenue mercredi et jeudi. Les raisons de la colère ? La radio et télévision publiques LRT en donne une liste qui pourrait parfaitement s’appliquer à l’Hexagone : « Il s’agit notamment de l’augmentation des droits d’accises sur le gaz de pétrole liquéfié, de la suppression du taux d’accises réduit pour leurs camions, de l’obligation de restaurer les prairies permanentes, de l’extension des zones protégées et de la crise laitière. »  Là-bas aussi, le gouvernement n’a pas d’autres choix que de rencontrer les protestataires.

Mais comment sortir de la crise ? En Roumanie, le ministre de l’Agriculture Florin Barbu, avait promis devant les tracteurs de demander la démission du Commissaire européen à l’agriculture Janusz Wojciechowski. Dans ce pays où l’agriculture compte pour 4% du PIB, le gouvernement a sorti le carnet de chèques : les éleveurs obtiendront une aide pour chaque tête de leur cheptel et l’exonération fiscale du diesel est en partie rétablie. Les tensions ne sont pas encore retombées alors qu’à l’instar de leurs collègues polonais, les agriculteurs roumains sont très remontés envers les importations de produits alimentaires ukrainiens.

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La rédactrice en cheffe Simona Ionescudu quotidien Evenimentul Zilei se fait grave et compare la séquence politique à la traumatisante année 1989 où le sang roumain avait coulé : « La question clé demeure de savoir si le Premier ministre Marcel Ciolacu et le président du Sénat Nicolae Ciucă parviendront à trouver des solutions bénéfiques pour préserver l’agriculture et soutenir les agriculteurs, à concilier les intérêts locaux et ceux de Bruxelles, voire à éviter un effet domino européen où les conséquences pourraient être néfastes, rappelant ainsi la fuite en hélicoptère du siège du couple Ceausescu en 1989. »

En Pologne justement, le nouveau gouvernement libéral et pro-européen de Donald Tusk a obtenu des concessions dans l’optique de lui rallier les agriculteurs, base électorale du PiS, l’ancien parti au pouvoir. Le Financial Times rappelle que le nouveau maître à Varsovie n’a pas totalement tourné la page du volet anti-ukrainien du précédent gouvernement : « Après avoir pris ses fonctions le mois dernier, Tusk a déçu Bruxelles en maintenant l’interdiction d’exportation de céréales introduite par le PiS, tout en promettant de défendre les intérêts des chauffeurs routiers polonais qui avaient bloqué certains postes frontaliers avec l’Ukraine pour protester contre la concurrence moins chère des transporteurs ukrainiens. »

Qui tirera les marrons du feu de la contestation ? L’approche des élections européennes en fait un évènement sur lequel tous les partis tentent de capitaliser. Mais pour l’éditorialiste du Guardian Ajit Niranjan, l’horizon se teinte de brun : « pour certains gouvernements européens, la menace la plus pressante est l’attention que les manifestations des agriculteurs ont attirée de la part des partis d’extrême droite et populistes ».