L’attentat d’Aya Nakamura
La chanteuse franco-malienne prétend représenter la France à l’ouverture des Jeux, au grand dam des leaders de l’extrême-droite. Une sorte de grand remplacement musical.
Une cohorte d’érudits défenseurs de la langue française et de grammairiens rigoureux, parmi lesquels Éric Zemmour, Marion Maréchal et Marine Le Pen, s’indignent qu’on puisse confier à la chanteuse Aya Nakamura, star internationale franco-malienne, le soin d’interpréter la chanson d’ouverture des prochains Jeux Olympiques. La tête de liste de Reconquête déclare que la jeune femme « ne chante pas en français. Ce n’est ni notre langue ni notre culture ». La présidente du RN estime qu’on a cherché par ce choix à « humilier les Français ». Un groupuscule plus ou moins facho s’est même fendu d’une banderole : « Y’a pas moyen Aya, ici c’est Paris, pas le marché de Bamako ».
Comment ne pas les comprendre ? Aya Nakamura use, pour partie, d’un langage relâché, issu de certains quartiers populaires, et emploie volontiers des mots farfelus ou des onomatopées grossières. Horreur linguistique ! Attentat à la poésie ! Injure à la langue ! Pourtant les modèles d’une autre tenue ne lui manquaient pas dans notre patrimoine national, qui auraient tout de même relevé nettement le niveau de ses paroles. Qui ne se souvient, par exemple, de cette rime riche à la vigueur expressive de Bourvil : « Elle me fait pouet-pouet, je lui fais pouet-pouet, on se fait pouet-pouet et puis ça y est ! ». Ou encore dans ce quasi alexandrin de Dalida et Richard Antony : « Elle tremblait de montrer quoi ? Son itsi bitsi petit bikini ». On admettra qu’il y a dans ce « itsi bitsi petit bikini » une allitération racinienne, de même que cet autre envoi de Dalida : « Da, da, dirladada… ».
Onomatopées de haute facture
En matière d’onomatopées de haute facture, elle aurait pu s’inspirer de notre révéré Maurice Chevalier, interprète patriote, surtout pendant l’Occupation, et de son « Prosper, Yop La Boum, c’est le chéri de ces dames » ou encore, toujours dans les années 1940, ce leitmotiv de Suzy Delair : « Avec son petit tralala, elle aurait fait trembler des montagnes ». Au passage Nakamura aurait pu, plutôt que de se trémousser vulgairement, se déhancher à la manière de la jeune Suzy, dont les gracieux écarts d’arrière-train étaient soulignés d’un coup de grosse caisse.
Plus récemment, elle avait comme exemple l’immense Johnny Halliday, chanteur inventif de son créatif « Da dou ron ron ron, da dou ron ron », copié avec fidélité sur son modèle américain : « Da doo ron ron » ; ou enfin, parmi tant d’autres, du sonnet libre intitulé en français Les Playboys, qui commence par cet incipit puissant : « Tchip tchip tchip bidou ah… » et se clôt par cet autre innovation langagière raffinée évoquant délicatement l’acte d’amour : « Crac, boum, hue ! »
Il est vrai que tous ces orfèvres du vocabulaire, à la syntaxe vigilante, des vrais chanteurs de chez nous, avaient aussi le grand mérite d’être blancs, tandis que Nakamura… Mais voilà jusqu’où on peut descendre quand on substitue, avec un mauvais goût provocant et cosmopolite, le « Djadja, djadja » de Nakamura au « Pouet, pouet », du regretté Bourvil.
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