L’aveu de l’abbé Bolloré
L’IVG responsable de 73 millions de morts ? CNews s’est excusée platement après avoir diffusé cette aberration. Mais est-ce vraiment une erreur ?
CNews encore… La chaîne Bolloré vient de frapper une nouvelle fois très fort ce dernier dimanche, à tel point qu’elle a dû publier un communiqué d’excuses dès le lendemain. Au cours de l’émission En quête d’esprit, titrée « Avortement, une blessure de l’âme ? », le présentateur Aymeric Pourbaix présente un tableau de l’institut Worldometer retraçant les principales causes de décès dans le monde. En tête, assène-t-il, lisant le tableau : l’IVG, avec 73 millions de morts, devant le cancer et le tabac, loin derrière ! Ce qui revient à accréditer, comme une donnée d’évidence, l’éternelle thèse des anti-IVG, controuvée par la science et la loi : l’IVG est un meurtre, pratiqué par les femmes ou les médecins, au choix.
Par quelle aberration, demandent quelques bonnes âmes sur les réseaux, ce tableau est-il apparu et commenté comme un fait objectif ? Il n’y a aucune aberration : l’assimilation de l’IVG à un homicide fait partie des convictions du patron de CNews, Vincent Bolloré, partisan d’un catholicisme des plus traditionnels et décidé à en diffuser l’esprit le plus possible.
On se permettra ici de reprendre les éléments de l’article par nous pondu cet été dans une série consacrée à l’empire médiatique bolloréen. C’est Vincent Beaufils, longtemps directeur du magazine Challenges, auteur d’un excellent livre sur la saga Bolloré, qui résume le mieux les convictions du milliardaire breton : il a choisi « une pratique traditionnelle de la religion, héritée des offices et des pardons de sa jeunesse en Bretagne, quand il passait ses étés entre Ergué-Gabéric et Beg-Meil ». Et de citer cette confidence de Bolloré à un autre industriel : « Le pays est foutu et il n’y a qu’une force qui peut contrer cela, c’est l’Église ». Avec cette confession, livrée en petit comité : « Je me sers des médias pour mener mon combat civilisationnel ». Limpide, non ?
L’émission du dimanche
C’est ainsi que CNews a confié depuis plusieurs années une tranche de télé aux tradis de l’Église, avec l’émission du dimanche En quête d’esprit, objet du délit, où se déploie semaine après semaine la vision bolloréenne du catholicisme. L’animation en a été confiée à Aymeric Pourbaix, que le grand patron avait préalablement placé à la tête de l’hebdomadaire catho conservateur La France Catholique, racheté en 2018. La composition des plateaux et le choix des thèmes est édifiante. Ainsi l’autre présentatrice d’En quête d’esprit, Véronique Jacquier, s’est-elle distinguée récemment par une vigoureuse défense de la colonisation de l’Algérie par la France ou encore en s’insurgeant contre « la dictature de l’émotion » pour répondre à ceux qui déploraient le bombardement d’une maternité de Marioupol par l’artillerie russe. Colonialiste et pro-russe, l’orientation est nette.
Anne Bernet, spécialiste des questions religieuses, qui vient souvent épauler les deux animateurs, est une ancienne collaboratrice de Minute, vieil hebdo de l’extrême-droite française, et d’Aspects de la France, organe monarchiste, maurrassien et antisémite. Benoît de Roeck, prêtre tradi de Perpignan, défend une version intégriste du culte catholique, par exemple en ressuscitant une procession destinée à faire revenir la pluie sur les campagnes environnantes frappées par la sécheresse. L’émission a encore consacré une heure à la procédure en canonisation de Jérôme Lejeune, ancien président de l’association Laissez-les-Vivre, figure révérée de la mouvance intégriste. Et le reste à l’avenant. Autrement dit, l’erreur de dimanche est surtout un aveu. À l’extrême-droite de Dieu, à l’extrême-droite du PAF. Seuls les naïfs peuvent s’étonner.
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