Le Hamas aussi…

Laurent Joffrin

Où en est le Hamas ? Nulle part. Après sept mois de guerre, on se demande quels buts rationnels la milice islamiste a bien pu atteindre ; on cherche vainement à comprendre, au-delà de quelques avantages immédiats, en quoi son action barbare a pu faire avancer la cause de son peuple. Il a réussi à remettre la question palestinienne sur le devant de la scène, ce point est incontestable. Mais est-ce vraiment la servir que de susciter, par la cruauté des moyens employés,  l’horreur et le rejet chez tous les êtres raisonnables ? Examinons.

• Le Hamas a gagné une forme de popularité dans le monde musulman. Certes. Mais il en va tout autrement des gouvernements des pays concernés. L’Iran mis à part, ceux-ci n’ont fait preuve d’aucune solidarité avec l’organisation terroriste. Au contraire, les pays du Golfe, l’Égypte ou la Jordanie se sont bien gardé d’agir en quoi que ce soit pour empêcher Israël de mener à bien son opération militaire meurtrière. Il y a fort à parier que les accords d’Abraham, signés par plusieurs d’entre eux avec Israël et provisoirement suspendus, seront remis sur la table une fois la guerre arrêtée. Au fond, occupés de leurs intérêts nationaux, ces pays ne seront pas fâchés de voir l’armée israélienne les débarrasser de l’activisme intempestif du Hamas

• Officiellement, le Hamas a pour but ultime la destruction de l’État d’Israël. S’en est-il rapproché ? En aucune manière. La guerre de Gaza démontre une fois de plus la supériorité écrasante de l’armée israélienne, qui a pu, à moindres pertes, pénétrer facilement dans l’enclave, affronter victorieusement les milices ennemies, détruire ce qu’elle voulait dans la ville et démanteler une grande partie des infrastructures militaires de l’organisation islamiste.

• La population israélienne, quoi qu’elle pense de ses dirigeants par ailleurs, a fait bloc avec son gouvernement, mue par l’effroi ressenti le 7 octobre, qui la renvoie au souvenir de la Shoah, prête à tous les sacrifices dès lors qu’elle a le sentiment que c’est son existence même qui est en jeu. Tandis que les forces matérielles du Hamas étaient systématiquement amoindries, réduites ou détruites, la force militaire et morale d’Israël s’est renforcée. Le slogan en vogue dans les pays occidentaux – « Free Palestine from the rive to the sea » – apparaît pour ce qu’il est : une chimère criminelle née de la haine et de l’illusion des fanatiques, non d’un quelconque raisonnement stratégique.

• Dans certains amendements à sa charte, le Hamas laisse entendre qu’il se satisferait, transitoirement, d’une solution de compromis qui conférerait aux Palestiniens la souveraineté sur une partie de l’ancienne Palestine. S’en est-il rapproché ? En aucune manière. Alors que Benyamin Netanyahou voyait, avant la guerre, sa position fragilisée, son intégrité mise en cause, son gouvernement miné par les scandales, sa politique conspuée par des dizaines de milliers de manifestants contestant ses tentatives de remise en cause de l’état de droit, l’attaque du Hamas l’a remis en selle. Galvanisée par la cruauté moyenâgeuse déployée 7 octobre, la droite israélienne au pouvoir est plus que jamais déterminée à écarter toute idée d’État palestinien. Si un tel État devait se créer, dit-elle, il n’aurait de cesse de réitérer ce genre d’attaque. Voulez-vous cohabiter avec un État voisin acharné à votre perte ? À aucun prix, répond-elle. On doit craindre qu’une majorité d’électeurs israéliens la suive sur ce point. Ce qui fait reculer encore la perspective de voir un jour naître un territoire souverainement dominé par les Palestiniens.

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• À ce jour, l’attaque du Hamas a pour résultat la destruction des deux tiers de Gaza, la mort de plus de 30 000 Palestiniens et le malheur pour les autres, vivant dans la terreur, contraints d’abandonner leur maison pour se réfugier dans des abris qui ne les abritent pas, voyant leurs enfants mourir sous les bombes et leur vie suspendue au fil fragile d’une aide humanitaire qui n’arrive pas ou très peu. Pendant ce temps, usant des innocents comme d’un bouclier, les fanatiques se terrent sous les écoles, les hôpitaux, les bâtiments d’accueil des réfugiés, ou bien dans des tunnels réservés à leurs miliciens. Comme disent les manifestants propalestiniens égarés par leur ignorance : « Gloire aux résistants » !

• Enfin, un rapport rétrospectif d’experts palestiniens, qui ne verra jamais le jour mais qui serait fort utile, pourrait dessiner une autre histoire, sans doute irénique par sa naïveté humaniste. Prenant le pouvoir à Gaza au début des années 2000, le Hamas aurait pu choisir une stratégie différente, conforme aux intérêts réels de la population de Gaza : consacrer l’argent, le dévouement et l’énergie qu’il a déployés, non au creusement de tunnels pour se camoufler, à l’instruction de combattants fanatiques élevés dans l’antisémitisme et la haine, ou à la fabrication de missiles Al-Qassam expédiés en vain sur Israël, mais à l’édification d’une économie plus prospère, comme savent le faire ces Palestiniens renommés dans le monde arabe pour leur habileté à la production et au commerce, à la mise en place d’un système scolaire et universitaire de pointe, à l’instauration d’une administration régulière et compétente, au soutien aux entreprises qui pouvaient exister à Gaza comme ailleurs, à l’établissement de liens commerciaux et culturels avec les voisins de Gaza, y compris Israël, dont l’opinion aurait à ce moment-là évolué dans le sens du compromis. Ainsi les dirigeants palestiniens auraient fait la preuve de leur savoir-faire et de leur bonne foi. Mais c’est un rêve. Le Hamas a préféré commander l’assassinat des militants de la paix dans un kibboutz voisin et l’éventrement des femmes seulement coupables d’être juives. C’est un choix. Il mène au martyre du peuple que le Hamas est censé défendre.

Par Laurent Joffrin