Le mythe des ultrariches
La gauche radicalisée et sa version écologiste aiment les idées simples : il suffirait de faire payer les ultrariches pour financer les énormes investissements de la révolution climatique. Pas si évident…
Le mythe est toujours révélé de la même façon. Une ONG spécialisée, par exemple Oxfam ou Tax Justice Network, publient de soi-disant études, en s’appuyant sur les travaux d’économistes renommés, tel Gabriel Zucman, professeur à l’École d’économie de Paris et à l’université de Berkeley.
Un personnage incontestable, sauf que, dominé par sa propre idéologie, il en oublie la rigueur scientifique la plus élémentaire. Il assure : « C’est particulièrement extrême en France, ou si on regarde les 370 ménages avec les revenus les plus élevés, leur taux effectif d’imposition sur leurs revenus est de l’ordre de 2 % ». Assertion fausse, à moins de confondre, sciemment, revenus et patrimoine.
Il faut mettre en place un impôt sur le patrimoine au nom de l’égalité
À peu près personne ne lit ces études. Mais elles entrent dans l’espace public grâce à la presse d’information qui en fait des présentations superficielles, voire élogieuses. « Le Monde », qui prête son objectivité supposée au soutien hypocrite de la radicalité, écrit dans son numéro du 21 septembre dernier : « Rien qu’en France, un tel impôt sur les ultrariches (les 0,5 % les plus riches) représenterait 1,75 % du PIB (46 milliards d’euros), ce qui permettrait (…) de couvrir les trois quarts des nouvelles dépenses projetées par le gouvernement pour la transition énergétique ». Illusion totale.
Certes, le patrimoine de ces ménages représente près de six fois le PIB annuel. Il a, en vingt ans, plus que doublé, si bien que les inégalités de patrimoine sont devenues gigantesques par rapport à celles de revenus. Il faut donc mettre en place un impôt sur le patrimoine au nom de l’égalité, comme je l’ai déjà écrit dans « Le Journal ». Pour y parvenir, deux critères absolus doivent être respectés : l’égalité citoyenne au sens de la Constitution et la protection de notre économie. Un double impératif qui échappe totalement à nos héros de la radicalité.
Le seuil d’une fiscalité progressive sur le patrimoine doit être fixé à 500 000 euros
Première observation : la haine à l’égard des ultrariches tiendrait au fait qu’ils détiennent 12 à 13 % du patrimoine. Mais la moitié des 10 % les plus riches affichent un patrimoine net par personne de l’ordre de 600 000 euros. Faut-il d’ailleurs taxer les seuls ultrariches pour protéger les riches, dont la plupart des penseurs radicalisés font partie ? Le seuil d’une fiscalité progressive sur le patrimoine doit être fixé à 500 000 euros, et non pas à plus de 3 millions, ce qui permettrait de respecter l’égalité citoyenne devant l’impôt et d’éviter l’anticonstitutionnalité de la mesure.
Seconde observation : l’élargissement de l’assiette conduirait à la fixation d’un taux de prélèvement faible (de l’ordre de 0,1 à 0,2 %) alors que celui prôné par nos grands experts est dix fois plus lourd, donc lui aussi anticonstitutionnel. L’impôt à venir sur le patrimoine sera payé par le revenu des personnes concernées. Or les 10 % les plus riches payent 75 % de l’impôt sur le revenu (CSG comprise), avec un taux marginal de prélèvement de l’ordre de 55 %.
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Le total des recettes fiscales correspondantes atteint 75 milliards d’euros. La marge d’augmentation est au grand maximum de 20 points, sauf à ce que le taux marginal d’imposition (plus de 75 %) devienne confiscatoire au vu d’une jurisprudence antérieure du Conseil constitutionnel. Un impôt sur le patrimoine récurrent ne pourra donc pas représenter des recettes annuelles supérieures à environ 15 milliards d’euros et non pas 46. Dur retour à la réalité.
Un taux élevé provoquerait en outre un départ massif à l’étranger des détenteurs des plus gros patrimoines. Sauf à bâtir sur ce sujet un vrai accord intraeuropéen (au moins) : ce n’est pas demain la veille. Quant à obliger les gens riches à payer chaque année leur impôt sur le patrimoine par la vente d’une partie de leurs actifs, ce serait à la fois anticonstitutionnel (atteinte au droit de propriété), totalement destructeur pour notre économie et une rupture définitive au sein de notre société.