Macron : « L’Europe peut mourir »
Le leitmotiv développé par Emmanuel Macron dans son discours sur l’Europe tente de convaincre qu’il est le seul à pouvoir la sauver
Qu’importe si près des deux tiers des Français ne souhaitent pas voir Emmanuel Macron s’impliquer dans la campagne des élections européennes selon un sondage Elabe, le voilà qui déroule à la Sorbonne un discours-fleuve, sept années après avoir posé dans le même lieu les fondements de son « Europe souveraine ».
La forme très institutionnelle, la posture sérieuse, presque tendue, la présence de la plupart des membres du gouvernement, les quelques chaises restées vides font tache. Au moment où, au-delà de tenter de réduire l’écart avec le Rassemblement National, l’un des enjeux de l’entrée en campagne d’Emmanuel Macron est de ne pas se faire dépasser par la liste sociale-démocrate.
—
À lire aussi sur LeJournal.Info : Macron : un bon discours qui ne change rien, par Laurent Joffrin
—
Après un bilan nuancé pour décrire comment la France a surmonté les crises – Brexit, pandémie, guerre en Ukraine- reconnaissant que « nous n’avons pas tout réussi, nous ne sommes pas allés assez loin », Emmanuel Macron lance : « Notre Europe est mortelle, elle peut mourir. Cela dépend de nos choix. C’est maintenant. Cela se joue maintenant de savoir si l’Europe sera ou non une grande puissance d’innovation. »
Puisque les règles ont changé alors que notre démocratie est critiquée, nos valeurs et notre culture sont menacées par les valeurs autoritaires ; puisque l’Europe risque de décrocher alors que la richesse par habitant a progressé deux fois plus vite aux États-Unis qu’en France, la seule façon pour l’Europe de ne pas disparaître est, assure le président de la République, de répondre par la puissance, la prospérité et l’humanisme.
La puissance, c’est la souveraineté. À ce moment, l’on comprend pour quelle obscure raison Emmanuel Macron s’est accroché jusqu’au tout dernier instant à sa folle idée de faire mener la liste Renaissance aux élections européennes par Jean-Yves Le Drian, avec Valérie Hayer en numéro deux, se heurtant in fine au refus de l’ex-ministre de la Défense et des Affaires étrangères.
Car si l’on ne retient qu’un seul point de son intervention de plus d’une heure trente, c’est sa volonté de construire une « Défense européenne crédible ». Obsédé par la menace d’une victoire de la Russie contre l’Ukraine, il continue de défendre une Europe-puissance qui assure sa sécurité grâce à son autonomie stratégique. Ainsi, assume-t-il « l’ambiguïté stratégique » indispensable pour dissuader l’adversaire, la Russie, dotée de l’arme nucléaire.
—
À lire aussi sur LeJournal.info : Raphaël Glucksmann : pour l’Europe, contre Macron
—
Pour y parvenir, créer un bouclier antimissile, augmenter les capacités de défense, bâtir une défense européenne crédible avec une industrie forte, consolider l’armée française, la plus puissante du continent, lancer une deuxième initiative européenne d’intervention, sont quelques-unes des pistes.
Une Europe-puissance de la Défense s’appuie sur une diplomatie où l’Europe n’est jamais le vassal des États-Unis et sait parler à tous les pays du monde. Et le président de la République se met à rêver : « L’Europe n’est pas seulement un morceau de l’Occident, nous sommes une puissance d’équilibre qui parle au reste du monde, un continent d’universalité ».