New York : explosion de l’antisionisme dans les facs

par Valérie Lecasble |  publié le 17/11/2023

Portée par l’idéologie woke dans les universités, la jeunesse américaine s’empare de la cause palestinienne

NEW YORK: Des étudiants de Columbia participent à un rassemblement de soutien à la Palestine à l'université le 12 octobre 2023 à New York. Un contre-rassemblement en faveur d'Israël a également été organisé par des étudiants à travers la pelouse - Photo SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA

Depuis l’attaque du 7 octobre, New York se fracture. Et les actes antisémites ont augmenté de 400 % au mois d’octobre.

Alors que cette ville ne compte que quelques centaines de milliers de musulmans, les manifestations de soutien à la cause palestinienne se multiplient. Des milliers de contestataires défilent, réclamant l’arrêt de la « colonisation israélienne ».

Ici, les étudiants juifs de l’université de Cooper ont dû se barricader dans la bibliothèque, tandis que d’autres étudiants pro-palestiniens tentaient d’enfoncer les portes et les fenêtres. Non loin de là, à l’Université de Cornell, un étudiant de 21 ans a été arrêté par la police pour avoir publié sur les réseaux sociaux des « menaces de tuer ou blesser » des juifs.

La fracture est générationnelle

À Harvard, la plus prestigieuse des universités, trente-cinq organisations étudiantes ont désigné Israël comme responsable des violences et d’un « régime d’apartheid » à l’égard des Palestiniens. Des étudiants juifs sont mis à l’écart et même les photos des otages sont déchirées. Quant à la direction, sous pression, elle ne réagit que mollement, s’abritant derrière la liberté d’expression. Le mouvement a atteint la prestigieuse université new-yorkaise de Columbia et gagne tout le pays,

New York est portant connue comme une ville aux origines diverses. Ses 8 millions d’habitants votent à 70 % démocrate et comptent parmi eux 2 millions de juifs –  soit un tiers des 6 millions de juifs américains-  qui apportent pour la plupart un soutien indéfectible à Israël.

Pour les étudiants, défendre Israël revient à passer dans le camp des conservateurs blancs

Le paradoxe est que défendre la cause palestinienne y est un mouvement devenu important. Dans les facs américaines, l’idéologie woke, qui prévaut, donne raison par principe aux minorités. Et la gauche de la gauche, qui refuse de reconnaître le Hamas comme une organisation terroriste, préfère la qualifier de « résistance ». En raison de cette obsession identitaire, chacun est sommé de choisir son camp, entre l’opprimé et l’oppresseur, le dominé et le dominant. Pour les étudiants, défendre Israël revient à passer dans le camp des conservateurs blancs.

La fracture est générationnelle et le phénomène, prégnant à New York, irradie dans l’ensemble des États-Unis. « Les étudiants des universités, imprégnés de culture néomarxiste simpliste et mal informés sur l’histoire, sont très critiques à l’égard du soutien de Joe Biden à Israël. Alors, ils manifestent, signent des pétitions, et fracturent le parti démocrate », explique Dominique Simonnet, journaliste-écrivain, spécialiste des États-Unis.

Cette ambiance particulièrement tendue a conduit la Maison-Blanche à s’inquiéter d’une « hausse alarmante des incidents antisémites dans les écoles et sur les campus universitaires » et menace de leur retirer dons et subventions.

À New York, la Portoricaine Alexandria Ocasio Cortez, élue haut la main en 2018 plus jeune députée de l’histoire du Congrès américain, porte le flambeau de la contestation propalestinienne. Après avoir milité pour Bernie Sanders, elle a fini par rejoindre en 2020 le camp de Joe Biden dont elle critique aujourd’hui la politique pro-israélienne. Une défection symbolique dans l’un des bastions électoraux du Président américain.

De l’autre côté de la frontière, le Canada connaît lui aussi le même genre de troubles. Le Premier ministre, Justin Trudeau, a dû être exfiltré, sous les huées, d’un restaurant du quartier chinois de Vancouver où il dinait, face à des manifestants pro-Palestine venus l’interpeller : « Vous tuez des enfants ! Vous avez du sang sur les mains ! »

Au Canada aussi

Le jour même, Justin Trudeau avait pourtant appelé à une pause humanitaire à Gaza, mais ses détracteurs lui reprochent de ne pas avoir clairement appelé au cessez-le-feu. De New York à Vancouver, l’heure n’est plus au débat, mais à l’affrontement, radical.

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Valérie Lecasble

Editorialiste politique