Pierre Brochand, l’escroc intellectuel du Fig-Mag (2) Deuxième volet: « La fausse loi d’airain »

par LeJournal |  publié le 18/07/2023

 L’entretien a fait grand bruit dans les cercles conservateurs. Ancien diplomate, ancien patron de la DGSE, Pierre Brochand donne à chaud un diagnostic péremptoire sur les émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel M. 

LeJournal.info y répond point point

© Corentin Fohlen/ Divergence. Paris, , France. 31 mars 2023. Portrait de Pierre Brochand, ancien directeur general de la Securite exterieure (DGSE) de 2002 a 2008

Plutôt que le silence ou l’indignation morale, nous avons choisi d’examiner sérieusement ce discours, présenté par les commentateurs réactionnaires comme le modèle du genre. C’est ainsi que Lejournal.info publie une réfutation précise, systématique, des propos de ce Pierre Brochand, intronisé penseur en chef de la doxa conservatrice.

Nous avons ainsi reproduit son long texte dans sa quasi-totalité (en italique), en insérant à chaque fois (en texte normal) les réponses que nous lui faisons.

Voici d’abord le titre choisi par le Fig-Mag, l’introduction d’Eugénie Bastié, puis l’entretien lui-même, avec les réponses intercalées au fur et à mesure. Le texte d’origine est très long. Nous avons donc préféré le publier en cinq parties pendant toute une semaine.

Lire depuis le début de l’article, chapitre 1 / « Tout immigré est suspect »

2/ La fausse « loi d’airain »

P.B – La partition est la pente naturelle de toute société « multi », où chacun vote avec ses pieds et se recroqueville auprès des siens. Je ne connais pas d’exception à cette règle d’airain, en particulier quand les appartenances relèvent de civilisations différentes. Règle qui se borne, d’ailleurs, à acter l’effondrement de la confiance sociale, proportionnel à la « diversité » ambiante. »

Réponse LeJournal.info

À prémisses fausses, conclusions fausses. Pour Brochand, les immigrés vivent tous dans la « séparation », alors que des millions d’entre eux se sont intégrés pacifiquement dans la société. Si « séparation » il y a, elle concerne une partie des jeunes des cités. Mais dans ces quartiers difficiles, contrairement à ce que dit Brochand, la plupart des habitants ne demandent pas une « séparation », mais au contraire une présence plus active de la République : des commissariats, des écoles, des services sociaux, etc. Le plus souvent, les familles souhaitent la réussite de leurs enfants dans la société française, non la « séparation ».

De même « la partition » n’est pas la pente naturelle de toutes les sociétés « multi ». Certains sociétés « multiculturelles » génèrent des affrontements communautaires violents (le Liban, par exemple) mais d’autres non (le Canada, par exemple, où cohabitent dans le calme des gens de religion et de langue différente, y compris de fortes minorités venues du sud). Toujours aussi péremptoire, Brochand proclame une « loi d’airain » qui n’existe pas. Certains ratent l’intégration, d’autres la réussissent. Telle est la réalité.        

Pierre Brochand – « C’est ainsi que se constituent les « diasporas », noyaux durs, ni assimilés, ni intégrés, à tendance non coopérative, véritables poches du tiers-monde, où se développe une double dynamique de dissidence, sans corde de rappel.

Confusion dans l’usage du mot « diaspora ». Tantôt il désigne, pour Brochand, l’ensemble immigrés de telle ou telle origine (acception courante), tantôt le sous-ensemble « ni assimilé, ni intégré. » On comprend que pour lui, au fond, la distinction n’existe pas.

D’un côté, la pression sociale que génèrent ces entités, en faveur des mœurs, croyances et modes de vie d’origine, les écarte de plus en plus de ceux du pays d’accueil : d’où un phénomène de divergence générationnelle, jamais vu auparavant, mais que les troubles actuels valident sans discussion. D’un autre côté, ces enclaves ne cessent de s’auto-engendrer, en « boule de neige », grâce à un taux d’accroissement naturel élevé et un engrenage d’aspiration juridique par le biais, entre autres, du regroupement familial. »

Là encore, métonymie : on prend la partie pour le tout. Rien ne prouve que le « séparatisme » soit majoritaire chez les immigrés. Mais Brochand en est sûr, comme il est sûr de tout. Les quartiers populaires tendent effectivement à se transformer en ghettos sociaux, mais leurs habitants, dans leur majorité, le déplorent : c’est ce que montrent la plupart des reportages. Ils souhaitent au contraire être intégrés dans la société, et en sont empêchés par leur situation sociale, à laquelle s’ajoutent les discriminations d’emploi et de logement. Brochand est totalement aveugle à la question sociale (qui n’existe que dans l’esprit des « bien-pensants »). Il postule que tout musulman est un dissident, actuel ou futur, parce qu’il est musulman, venu « d’une autre civilisation ». C’est la démarche essentialiste propre à tous les nationalistes. Alors que l’islam a joué un rôle marginal dans les dernières émeutes, que la dimension sociale et le comportement de la police – dont il ne dit pas un mot – expliquent beaucoup de choses.  

P.B – « Cette marche vers la sécession a tétanisé nos élites, qui en ont vite perçu le potentiel explosif. Mais, au lieu de la bloquer, puis de mener une stratégie patiente de roll back, elles se sont contentées d’un containment à court terme, à coups de subventions et reniements clientélistes, enrobés dans un discours fumeux de dénégation ou d’euphémisation, visant à acheter la paix sociale au jour le jour. »

Les mots « roll back » et « containment » sont issus du vocabulaire de la guerre froide. Pour Brochand, nous sommes donc en guerre contre les Français musulmans (ou contre tous les immigrés, on ne sait). C’est un langage de guerre civile (mot qu’il récuse pourtant…)    

P.B « Tant va la cruche à l’eau qu’elle se casse. Quand les diasporas, en gonflant démesurément (au bas mot 5 millions d’admissions supplémentaires depuis 2005), atteignent une masse critique qui les rend confusément conscientes de leur force irrésistible, quand les compromissions et les concessions unilatérales deviennent autant d’aveux de faiblesse appelant à la transgression, quand ces contre-sociétés portent l’audace à s’ériger en souverainetés concurrentes sur un même espace « un et indivisible », eh bien, le couvercle de la cocotte-minute finit par sauter, dès que l’occasion se présente. »

Toujours la même obsession : tous les immigrés entrés en France depuis 2005 sont des ennemis potentiels du pays et rejoignent des cités populaires qui veulent s’ériger en « souverainetés concurrentes ». Paranoïa générale. La vérité, qui n’est pas rassurante pour autant, est que ce sont les trafiquants de drogue qui veulent contrôler les quartiers, ou bien – phénomène très différent – les intégristes islamistes, minorité fanatique qui cherche à imposer son influence sur les quartiers, et non d’improbables « diasporas » homogènes que Brochand croit organisées comme un corps expéditionnaire.

P.B « En 2005, une première éruption en chaîne avait servi d’avertissement. Hormis la tentative d’apaisement budgétaire par la « politique de la ville », il n’en a été tenu aucun compte. Le déchaînement des jours derniers, d’une tout autre envergure, n’est que l’aboutissement de cet aveuglement. »

Question du Fig-Mag – « Qu’est-ce qui vous semble différent par rapport au scénario de 2005 ? »

« PB – Je veux être honnête avec vos lecteurs. Je ne possède aucune information qu’ils n’ont pas. Je m’efforce seulement d’analyser les choses, selon deux principes très simples : d’une part, les causes entraînent des conséquences (« ce qui doit arriver arrive »), d’autre part, le seul critère décisif pour évaluer une situation de conflit est le rapport de force. Il n’est pas inutile de rappeler, d’abord, que des émeutes isolées sont monnaie courante depuis quarante ans, aux quatre coins du pays, sous l’étiquette technocratique de « violences urbaines ». Au point que plus personne ne leur prête attention, comme si elles faisaient partie du paysage. Erreur fatale.

Il est faux d’affirmer que « plus personne ne prête attention » aux violences urbaines. Au contraire, la situation des cités est l’objet de débat permanent sur la scène publique (ne serait-ce qu’en raison des campagnes de la presse conservatrice) et d’efforts politiques et sécuritaires constants.

Ce qui est vrai, en revanche, c’est que les politiques menées ont échoué à intégrer une partie importante de la jeunesse des cités. Ce que Brochand dénonce par le mot « aveuglement », c’est le refus d’attribuer cet échec à la seule origine des jeunes en question (qui sont souvent nés en France de parents Français). Tout observateur de bonne foi prendra aussi en compte les conditions de vie concrètes de ces jeunes (chômage plus important, discriminations, niveau de vie au-dessous du seuil de pauvreté, etc.). Brochand remplace la question sociale par la question ethnique. Or partout dans le monde, l’existence de quartiers pauvres dans les villes, quelle que soit l’origine des habitants, produit des phénomènes de ce type : délinquance, décrochage scolaire, heurts avec la police, trafic de drogue, etc. La dimension identitaire s’ajoute à ces facteurs sociaux. Elle ne les remplace pas.

L’embrasement de 2005 nous a enseigné qu’il suffisait d’une étincelle pour mettre le feu à la plaine. On a donc retrouvé ces jours-ci plusieurs traits de ce qui s’est passé il y a dix-huit ans. Même démarrage, consécutif à une présumée « bavure » policière ».

La « présumée » bavure policière, a consisté à tirer à bout portant sur un jeune désarmé qui a cherché à s’enfuir mais ne menaçait pas les policiers. 

P.B – « Même violence polymorphe à triple finalité : « métapolitique » (contre tout ce qui représente la France et son État), utilitaire (pillages d’envergure), gratuite (vandalisme nihiliste). Mêmes auteurs quasi-exclusifs : les jeunes hommes de banlieue, où ils font régner la loi du plus fort. Même ressemblance apparente avec les flambées racialisées des « ghettos » américains. Même prédilection pour la nuit, à l’instar de toutes les guérillas du monde. Même cadre exclusivement urbain.Même restriction, de part et d’autre, quant à l’usage des armes les plus létales, à la différence, cette fois, des États-Unis.

La description est juste mais le mot « guérilla » est excessif. Il désigne une lutte armée non-conventionnelle. Or, comme Brochand le reconnaît lui-même, les affrontements, quoique d’une violence rare, ne comportent pratiquement pas d’armes létales, mais des armes par destination (qui peuvent être néanmoins mortelles, mais qui sont d’un ordre différent).  

Mais, aussi, même impuissance des forces de l’ordre, pourtant mobilisées à leur maximum, à calmer une mer démontée. On veut également croire au caractère pareillement spontané de cette explosion « façon puzzle », sans coordinateur national, ni encadrement militant : on ne discerne toujours pas de comité central, de « shura » islamique ou de syndicat de dealers, à la manœuvre derrière les « casseurs ». On ne discerne pas non plus l’émergence d’un mouvement ayant le retentissement et la pérennité de « Black Lives Matter », la tentative de récupération initiale par le clan Traoré relevant de la parodie.

Là encore, taxer les forces de l’ordre « d’impuissance » est excessif : les arrestations se comptent par milliers, les condamnations par centaines. Aussi bien, il est probable que le déploiement massif des effectifs policiers (plus de 40 000) a joué un rôle dans l’arrêt des émeutes après trois ou quatre jours.

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