Succès de la marche contre l’antisémitisme

par Valérie Lecasble |  publié le 12/11/2023

105 000 personnes à Paris, 182 000 en France. Pas de slogans dans ce défilé. Simplement l’envie d’être ensemble pour affirmer, quelle que soit sa confession, sa volonté de lutter contre l’antisémitisme

Ils sont venus nombreux, calmes, graves et silencieux pour marcher ensemble sous une pluie fine. Une marche, pas une manifestation, un seul chant, la Marseillaise, pas de revendications, pas un cri.  Ils avaient tellement peur qu’il n’y ait pas assez de monde. Les voilà soulagés par la foule : « un succès populaire », dixit François Hollande. Alors, ils applaudissent, de plus en plus bruyamment au fur et à mesure qu’ils avancent. Juifs, non juifs, tous réunis.

Force est de constater qu’ils ne sont guère jeunes. La grande majorité d’entre eux sont bien au-delà de la quarantaine, avec une surreprésentation des 50-70 ans, eux qui, dans les années soixante-dix ont découvert, sidérés, l’ampleur de l’extermination des juifs pendant la seconde guerre mondiale. Un membre isolé de l’Union étudiante juive, déçu,  constate : « les jeunes ont l’impression que c’est un défilé de droite, alors, ils n’ont pas voulu venir ».

Certains brandissent ont des banderoles « Nous sommes 1 % de la population, mais subissons 90 % des actes antireligieux ». Et aussi « Pour une République universelle et laïque et pour ses enfants ». Un peu à l’écart, une femme, discrète a accroché un panneau autour de son cou : « Nous sommes tous des juifs français ».

Ce qui fleurit le plus, ce sont les drapeaux français. Les grands, les petits, portés en étendards ou en brassards. Certes, tout à l’arrière du cortège, il y a le rectangle compact des drapeaux tricolores portés par les militants du Rassemblement National. Quelques centaines ?

Mais dans la foule, au-delà des convictions partisanes, tous ont surtout voulu montrer leur attachement à la France. Comme cette femme, brune, cheveux longs, un brassard bleu-blanc-rouge autour du bras : « Je suis de confession juive, mais avant tout, je suis française ».

Est-ce la raison pour laquelle on ne voit pas de drapeau israélien, quelques rares kippas, un groupe de jeunes scouts juifs, et rien d’ostensible ni de religieux ? Le plus visible, ce sont les quelques drapeaux multicolores de Kabyles d’Algérie.

Symboliques et exceptionnels, ces petits groupes qui portent en bandoulière des cordons bleus ornés d’une équerre et d’un compas, représentation des francs-maçons. Ces « frères », qui se dévoilent rarement, ont considéré cette fois l’occasion trop importante : « Nous sommes là pour défendre les valeurs de la République et la laïcité dans l’esprit de résistance qui nous anime », dit ainsi un Officier de la loge du Grand-Orient de France. Cette marche contre l’antisémitisme est aussi une marche pour la laïcité.

Et les politiques ? Les officiels marchent en tête du cortège : Présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale, anciens présidents de la République, ministres ou ex-ministres. La gauche, elle, s’est réunie loin derrière . Côte à côte défilent les chefs du PS Olivier Faure, de EELV Marine Tondelier, du PCF Fabien Roussel, mais aussi le président de SOS Racisme Dominique Sopo, la maire de Nantes Johanna Rolland. Seul le patron de LFI manque à l’appel ainsi que le résume sèchement une pancarte « J’ai mal à ma gauche. Merci Mélenchon ».
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Une manifestation métapolitique comme l’a noté le sociologue Michel Wieviorka ? L’essentiel à retenir de ce 12 novembre, plus d’un mois après l’attaque terroriste du Hamas, reste la mobilisation, le succès populaire, et la volonté de garder l’espoir.

NDLR: Presse et police

Malgré une manifestation d’un calme minéral, les forces de l’ordre ont tenu à compliquer le travail des journalistes, dotés de carte de Presse ou pas. Ici, on n’accède pas à la manif par les rues parallèles, là, on piétine sans pouvoir accéder en tête du cortège, une fois qu’on y parvient, plus question de revenir dans le flot des manifestants, etc. Mieux, si les gendarmes appliquaient les consignes avec calme, certains policiers gradés ont cru bon de bousculer des reporters accrédités…Encore bravo.

Valérie Lecasble

Editorialiste politique