Un compte carbone pour tous !

par Valérie Cohen |  publié le 08/02/2023

Et si chacun se dotait d’un « compte carbone » qui mesure en temps réel les émissions de gaz à effet de serre occasionnés par sa consommation ?

Valérie Cohen

C’est l’idée défendue par l’Institut du Compte Carbone, qui résume ici sa proposition.

Les scientifiques du GIEC sont formels : il suffirait d’une hausse de +2° pour transformer la Terre en véritable étuve, avec des conséquences catastrophiques pour tous. Autrement dit, la réduction des émissions de gaz à effet de serre s’impose à tout gouvernement responsable.

Le remède le plus souvent cité, l’instauration d’une « taxe carbone » qui détournerait consommateurs et producteurs des procédés trop carbonés, a été rejetée par les opinions publiques, qui la jugent brutale, inefficace et inégalitaire. Et une fois ce constat posé, le problème est toujours là.

 C’est pourquoi nous proposons une autre solution, avancée par différents groupes de réflexion dans la foulée des Assises du climat : le compte carbone individuel, qui permet à chacun, en régulant sa consommation, de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique.

Concrètement, il fonctionne de la manière suivante :

Une agence carbone attribue à chaque citoyen un budget annuel carbone de neuf tonnes, soit le total des émissions actuelles de la France divisé par le nombre de citoyens.

Ce quota est réduit chaque année de 6% pour atteindre les deux tonnes en 2050.

Les contenus en carbone de tous les achats sont documentés

Ils sont ensuite imputés aux consommateurs qui peuvent ainsi gérer leur budget carbone comme ils gèrent leur compte bancaire.

(70) Le compte carbone expliqué par Fanny D. – YouTube

Tous les mois, chaque Français, ou foyer fiscal, reçoit un relevé mensuel de son compte. Et en cas de dépassement, pas de panique : il sera toujours possible d’en acheter via une « agence carbone » chargée de l’allocation de quotas supplémentaires. En effet, les citoyens pourront arrondir leurs fins de mois en vendant leurs quotas de CO2 inutilisés, qui pourront être achetés par les consommateurs déficitaires selon un prix fluctuant avec la demande (tant qu’il y en a à vendre – puisque le « gâteau carbone » annuel n’est pas extensible). L’important est qu’à la fin de l’année la réduction de 6% au niveau national soit atteinte.

Avec un quota carbone fixé au départ à neuf tonnes par habitant, tous les Français ne seront pas immédiatement impactés par ce mécanisme de rationnement. Aujourd’hui 65% d’entre eux émettent moins de neuf tonnes de CO2 par an, et 50% sont en moyenne à moins de cinq tonnes (voir l’analyse du World Inequality Database présidé par Lucas Chancel). Le système permettra de soulager les plus modestes, dont la sobriété est souvent forcée, conciliant ainsi ces deux principes cardinaux que sont la lutte contre le dérèglement climatique et la justice sociale.

Le compte carbone présente au moins cinq avantages : prendre en compte la totalité de nos émissions (nationales et importées) ; garantir la baisse annuelle de 6% de ces émissions (objectifs du GIEC en 2050) ; préserver la justice sociale ; respecter la liberté de choix de chacun ; accélérer la décarbonation de notre économie par l’étiquetage généralisé

L’avantage du dispositif réside dans son caractère systémique : on tire toute l’économie par les choix des consommateurs, on crée une concurrence carbone, une sorte de nouvelle monnaie qui oblige les industriels et commerçants à devenir compétitifs en matière de décarbonation, les clients privilégiant naturellement les offres les plus sobres. Par ailleurs, il évite l’écueil de la liste de mesures sectorielles prises séparément, que les lobbies correspondants n’ont aucune peine à mettre en pièces. A l’inverse, le compte carbone est un tout, un choix de société.

II permet également de garantir, à priori, par la dotation individuelle de quota en début d’année, la baisse de nos émissions, plutôt que de constater a posteriori, en fin d’année que les mesures prises n’ont pas permis d’atteindre les résultats escomptés.

Enfin, il est l’inverse d’un système liberticide puisque dans les limites du quota attribué, chaque citoyen fait ses propres arbitrages de consommation, sans interdiction par nature de produit. Ainsi, la paix des ménages est préservée. (Voir newsletter « le compte carbone, le réconciliateur »).

Le principe du compte carbone pose évidemment de nombreuses questions : son adoption ne pourra résulter que d’un grand débat démocratique. Il sera alors facile de mobiliser toutes nos expertises pour en préciser les modalités de mise en œuvre, l’encadrement et les règles d’application

Mais il faut faire vite. L’idée de ressources infinies dans lesquelles les pays riches peuvent puiser sans mesure, héritée de la révolution industrielle et de la domination de la planète par l’Occident ne tient plus la route. Nous devons réapprendre l’économie, terme qui désigne exactement ce qui est notre défi aujourd’hui : assurer le bien-être de tous dans le respect des limites de la biosphère et qui a été remis en lumière par Pierre Calame, initiateur du compte-carbone en France.

Et ces limites, dans tous les domaines, à commencer par l’eau, imposent partout un rationnement : ce n’est pas un gros mot, qu’on associe à tort à l’idée d’économie de guerre et à la privation ; c’est au contraire le noble mot pour désigner l’égal accès de tous à des ressources rares.

Valérie Cohen

Pour l’Institut du Compte Carbone  

Le compte carbone suscite de nombreuses discussions.

Retrouvez les réponses aux objections principales dans le site www.comptecarbone.cc

Vous pouvez également envoyer vos questions à valerie@comptecarbone.cc

Blog de Pierre Calame blog.pierre-calame.fr

Valérie Cohen

Ecologie-Environnement