Un avenir pour Gaza

publié le 11/11/2023

C’est une loi de l’histoire : la paix se prépare durant la guerre. Par François Hollande

Le président français François Hollande au palais de l'Élysée à Paris, le 11 mai 2017. -Photo JOEL SAGET / AFP

Manquer à ce devoir, c’est prolonger un conflit sans savoir comment on va le terminer. Laisser les armes décider de l’avenir, c’est ne jamais les faire taire. Occulter la politique, c’est ensevelir l’espoir.

Y en a-t-il un pour Gaza ? Il peut paraitre incongru d’évoquer le futur d’un territoire qui n’est pour l’instant qu’un champ de bataille ravagé par les bombes. Il semble vain de chercher au milieu du fracas une issue à un problème que la communauté internationale n’a pas été capable de régler depuis 75 ans. Pourtant cette solution existe.

On dira que la tâche est insurmontable : comment dissiper les craintes légitimes des Israéliens de voir se reconstituer des bases terroristes dans leur voisinage ? Comment dépasser le ressentiment de beaucoup Gazaouis qui auront perdu dans cette bataille leurs enfants et leurs biens ? N’est-on pas condamné à la guerre perpétuelle ? Est-ce là le destin de ces deux peuples ? Celui qui, 80 ans après la Shoah, lutte encore pour sa survie. Celui qui cherche une terre et dont il pense qu’elle lui a été volée en 1948. Enfin, que restera-t-il de Gaza quand Tsahal aura mené jusqu’au bout son opération terrestre et tenté d’éradiquer le Hamas ? Un champ de ruines au nord, des souterrains remplis d’eau, et de rares bâtiments qui auront tenu bon malgré les bombardements.

Jusqu’où faudra-t-il nettoyer l’enclave pour être sûr d’avoir démantelé toutes les caches et arrêté les auteurs de l’abominable attaque du 7 octobre ? Plus de 2 millions d’habitants resteront là, parce qu’ils n’ont pas d’ailleurs. Certains ont subi le joug du Hamas, d’autres ont dû, à un moment ou à un autre, le soutenir, mais tous aspirent tout de même à la paix si elle leur assure une relative prospérité et une nécessaire dignité.

Qui pour gouverner ?
Qui donc, après la guerre, pour gouverner Gaza ? Un instant avancée, l’idée d’une occupation par l’administration israélienne – en réalité par l’armée – a suscité la réprobation générale. Ce serait revenir à la situation qui prévalait jusqu’en 2005 et qui était devenue intenable, au point qu’Ariel Saron, qui n’était pas le plus tendre, avait fini par évacuer l’enclave. Occuper Gaza aujourd’hui, ce serait entretenir l’incendie !

Confier Gaza à l’Autorité palestinienne ? Celle-ci en a été chassée en 2007 par le Hamas ; elle est largement dépourvue de légitimité, faute d’élections depuis quinze ans ; il n’est même pas sûr qu’elle en revendique le contrôle, à moins d’un règlement global comprenant tous les territoires occupés par Israël, la Cisjordanie et Jérusalem-est. Quant à ce qui restera du Hamas, dans sa branche politique, il tiendra toute solution dont il serait exclu pour une forme nouvelle d’occupation.

Aussi faut-il réfléchir à des formules transitoires. On peut envisager d’installer à Gaza une administration sous l’égide de l’ONU, disposant d’une force multinationale d’interposition, afin de reconstruire les villes, d’assurer le retour des déplacés, de reconstituer les équipements et les services publics et de distribuer les aides à la population.


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Ce scénario se heurte néanmoins à l’insuffisance, hélas démontrée, des forces de maintien de la paix de l’ONU et à la question de savoir quels seraient les contingents qui constitueraient celle prévue pour Gaza. Sans oublier que rien ne serait possible, pour en décider au Conseil de Sécurité, sans le concours de la Chine et de la Russie, lesquelles ne manqueront pas de faire un lien avec le dossier ukrainien. 

En fait, la seule voie possible consiste à convaincre les pays arabes de la région (Égypte, Jordanie, Arabie Saoudite, Émirats et Qatar) d’assurer la gestion de Gaza et de prévoir sa mise en sécurité dans l’attente d’une solution politique définitive. Impossible, dira-t-on ? Mais comment ceux qui réclament le cessez-le-feu et l’arrêt des combats pourraient-ils se dérober ? Comment ceux qui ont reconnu l’État d’Israël (ou qui auraient été prêts à la faire) pourraient-ils mettre en cause sa sécurité ? Comment les Palestiniens eux-mêmes, qui dépendent du soutien de leurs partenaires les plus riches, pourraient-ils les récuser ?

Terminer une guerre, suppose que les acteurs régionaux prennent collectivement leurs responsabilités, au-delà des protagonistes les plus concernés. C’est la seule issue pour éviter la guerre éternelle.