Un bâillon pour Garrido

par Laurent Joffrin |  publié le 08/11/2023

La direction du groupe LFI à l’Assemblée a prié sa porte-parole Raquel Garrido de se taire. Il est vrai qu’elle avait eu le front de critiquer Jean-Luc Mélenchon

Raquel Garrido lors d'un réunion publique du candidat La France Insoumise à Lille- Photographie Xavier Duvot / Hans Lucas

Souvenirs, souvenirs… Dans les années cinquante, à intervalles réguliers, le Parti communiste excluait ou sanctionnait ceux qui exprimaient des positions divergentes, quelle qu’ait été leur ancienneté dans le parti, quels qu’aient été leurs faits d’armes passés. Auguste Lecoeur, Charles Tillon et quelques autres avaient les victimes de ces purges à répétition, menées par Maurice Thorez au nom de l’orthodoxie stalinienne, puis par son successeur Georges Marchais.

À chaque fois, ces mesures disciplinaires s’agrémentaient d’accusations plus ou moins fantaisistes, et d’une cabale montée par la direction du Parti qui envoyait une meute de militants insulter les dissidents.

Bis repetita… C’est aujourd’hui Raquel Garrido, insoumise historique, vouée corps et âme au parti mélenchoniste, qui fait l’expérience du pilori. Pour avoir dit son désaccord avec le Lider maximo sur le conflit du Proche-Orient, la voici mise au piquet du groupe parlementaire et priée, en tant que porte-parole, de la fermer pendant quatre mois de pénitence.

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Mathilde Panot, une sorte de Georgette Marchais, ou de Mauricette Thorez, s’est fendue d’une conférence de presse pour accabler l’accusée, à qui elle reproche « des agissements et des propos répétés qui nuisent au fonctionnement du groupe », « la diffusion de fausses informations dans la presse » et « la mise en cause et le dénigrement ad nominem (sic) de plusieurs membres du groupe parlementaire. »

Outre qu’on dit plutôt « ad hominem » que « ad nominem », cette diatribe ornée d’un latin de cuisine ressemble plus à une bulle d’excommunication qu’à un reproche rationnel. Un coup d’œil sur X (ex-Twitter) permet aussi de lire le florilège d’imprécations adressées à Raquel Garrido, cette pelée, cette galeuse, par une meute de militants indignés sur commande. Tout y est, donc.

L’intéressée s’est déclarée humiliée par cette sanction, qui a l’air de la surprendre, elle qui connaît pourtant parfaitement le fonctionnement de cette formation « gazeuse » qu’est LFI, selon le mot de Jean-Luc Mélenchon, c’est-à-dire qui laisse à la direction une entière et arbitraire liberté de décider ce que bon lui semble en dehors de tout contrôle de la base.

Avec en prime un pied de nez aux féministes du mouvement qui s’étaient exprimées au moment de l’affaire Quatennens : la sanction est prise pour quatre mois, soit la même durée, jour pour jour, que celle qui avait frappé le député gifleur. Ainsi va la vie militante dans les sectes d’extrême-gauche : les opposants aboient, la caravane du Parti passe.

Laurent Joffrin