Woke vadis Sciences Po?

par Malik Henni |  publié le 03/05/2024

 

Débat dans la rédaction sur les accusations de « wokisme » envers Sciences Po. Notre journaliste, issu de l’école, revient sur des critiques qu’il trouve infondées

Des manifestants escortés par des gendarmes français lors de l'évacuation d'un sit-in pro-Gaza dans le hall d'entrée de l'Institut d'études politiques (Sciences Po Paris) à Paris, le 3 mai 2024 - Photo MIGUEL MEDINA / AFP

D’abord, il y a un malentendu sur le mot « communauté » utilisé par les mails de l’administration. A Sciences Po, le terme « communauté » n’a jamais été utilisé dans un sens ethnique et il désigne les « communautés d’élèves« , « éducatives », les salariés…

Ensuite, l’idée d’une « communauté décoloniale » au pouvoir dans l’école met une cible dans le dos de toutes les personnes qui y travaillent et y enseignent. Des campagnes de calomnie ont été menées ces dernières années envers des chercheurs reconnus comme Nonna Mayer (juive et épouse de Samy Cohen, donc peu soupçonnée d’antisémitisme) sans que jamais le terme « woke » n’ait été défini de manière scientifique. Il y a tous les avis à Sciences Po, aussi bien chez les élèves que les professeurs et l’essentialisation d’un groupe ou d’une communauté n’y est pas une opinion acceptable.

De plus, l’école a organisé un « town hall » (une discussion publique) pour débattre des principales revendications dans une logique de désescalade et de dialogue. Parmi les sujets abordés par les étudiants, il y avait la question du maintien ou non de partenariats. Ceux-ci concernent non pas « des institutions accusées de soutenir Israël« , mais d’écoles israéliennes, comme l’Université Hébraïque de Jérusalem, dont les partenariats avec l’armée jouent un rôle dans les possibles crimes de guerre commis à Gaza (design des algorithmes utilisés par les frappes automatisées des drones). La direction a balayé ces demandes.

Sur la question de l’interprétation politique du moment : les avis peuvent diverger, mais les faits demeurent. Il y avait des Juifs au blocage et à la manifestation. Depuis la fake news de l’expulsion d’une étudiante juive de l’amphi Boutmy, les critiques dénoncent l’amalgame qui serait fait entre juif, Israélien et criminel de guerre par les manifestants.

Aucune preuve de cet amalgame n’a été apportée pour corroborer cette accusation. Les slogans se sont concentrés sur la situation en Palestine et en Israël, sans les débordements antisionistes radicaux que l’on a pu voir sur les campus américains.

Enfin, les étudiants de Sciences Po sont assez grands pour se mobiliser tout seuls : ils ont le temps de s’informer, les outils conceptuels pour formuler un avis et l’intérêt pour les questions internationales. Que des élus viennent les soutenir parce qu’ils sont d’accord avec eux n’est absolument pas le signe d’une quelconque orchestration extérieure.  A-t-on vu un leader étudiant se mettre sous le patronage des Insoumis ou y a-t-il une preuve qui montre cette soumission à un parti politique ? Encore une fois, les preuves manquent.

D’accord-Pas d’accord! Débat. Lire par ailleurs l’éditorial de Laurent Joffrin : Sciences Po ou Sciences Woke ?

Malik Henni