Immigration : courte victoire

par Valérie Lecasble |  publié le 25/01/2024

Largement censurée par le Conseil Constitutionnel, la loi sur l’immigration redevient le texte initial déposé par le gouvernement

Des manifestants d'organisations non gouvernementales, de syndicats et de partis politiques se rassemblent pour manifester pour demander le retrait de la loi sur l'immigration devant le Conseil constitutionnel à Paris, France, le 25 janvier 2024 - Photo by Umit Donmez / ANADOLU

Tout ça pour revenir à la case départ ! Après une année folle qui a vu l’ensemble des sénateurs et députés se mobiliser sur le contenu du projet de loi sur l’immigration, il ne reste rien ou presque de leurs travaux depuis que le Conseil Constitutionnel a pris la décision de censurer complètement ou partiellement 32 des 86 articles, soit un tiers de la loi finale qui a été votée mi- décembre. Il l’explique par le « cavalier législatif », selon l’article 45 de la Constitution qui stipule qu’un lien doit être établi entre l’objet d’un amendement déposé et celui d’au moins l’une des dispositions du texte.

Ainsi expurgés des innombrables ajouts effectués par la droite, Les Républicains en tête, les grandes dispositions de la loi promulguée par Emmanuel Macron s’apparentent désormais au projet de loi sur l’immigration déposé initialement par le gouvernement au Sénat le 1er février 2023 qui comptait alors 27 articles.


Lire aussi sur LeJournal.info : Loi immigration : un seul vainqueur…, par Laurent Joffrin

Ce psychodrame d’un an a vu l’opinion publique réclamer une loi sur l’immigration et les ténors de la droite – Éric Ciotti, Bruno Retailleau, Gérard Larcher – mobiliser leurs troupes pour durcir le texte jusqu’à dériver sur les terres du Rassemblement National. Et voilà Gérald Darmanin qui se félicite qu’on en revienne à ce qu’il avait proposé dès le début !

Que de temps perdu pour les parlementaires ! La Commission des lois du Sénat en tête dont le texte a obtenu un large vote de la majorité sénatoriale de droite. La Commission des lois de l’Assemblée nationale ensuite qui s’est fait retoquer par une motion de rejet. La Commission mixte paritaire enfin qui a réussi en une semaine à durcir considérablement le contenu de la loi.

Lire aussi sur LeJournal.info : Laurent Fabius : dernier acte

Tout occupés qu’ils étaient à entraver les droits des immigrés, surtout irréguliers, les parlementaires en ont oublié de respecter la Constitution. Ils ont ajouté de multiples propositions décalées avec le contenu initial de la loi, des cavaliers législatifs non conformes comme les réformes concernant le droit du sol, le regroupement familial, le titre de séjour irrégulier, le durcissement de l’accès aux prestations familiales, ou encore la caution retour pour les étudiants étrangers. Trois articles supplémentaires ont également été censurés sur le fond, dont celui des quotas migratoires ou des empreintes et photos non consenties par les étrangers.

L’opposition crie au scandale, dénonce le gouvernement des juges, réclame un référendum sur l’immigration voire une réforme de la Constitution. La claque il faut dire, est terrible pour la droite, LR et RN, qui avait remporté avec la loi sur l’immigration une incontestable victoire politique. La gauche est satisfaite d’avoir limité les dégâts avec un assouplissement de la loi.

Quant à Emmanuel Macron et Gérald Darmanin, c’est pour eux une revanche inespérée après le cuisant échec de la motion de rejet. « Nous avons l’intégralité des moyens qu’il nous faut », s’est ainsi réjouit satisfait le ministre de l’Intérieur, en lançant « Jordan Bardella dit n’importe quoi ».

Au final, le désaveu est cinglant pour la classe politique dans son ensemble qui a conçu et laissé voter une loi largement retoquée par le Conseil Constitutionnel. Une année de perdue à s’étriper…

Valérie Lecasble

Editorialiste politique