Immigration : Macron perd, l’opposition aussi
L’explosion en vol du « en même temps » démontre, s’il en était besoin, la fragilité doctrinale du macronisme. Mais aussi l’incapacité de l’opposition à gouverner…
Il fut un temps où les esprits forts nous expliquaient doctement que les notions de droite et de gauche étaient dépassées, qu’elles scindaient inutilement le débat public entre deux camps artificiellement opposés, qu’elles accusaient des dissensions qui n’avaient plus lieu d’être. Sautant sur ce cliché remis au goût du jour, Emmanuel Macron avait réussi – avec succès – à en faire une ligne politique, symbolisée par cette locution banale érigée en devise : « en même temps ».
Seulement voilà : la droite et la gauche, inventions françaises datant de 1789, avaient la vie plus dure que ne le pensaient les têtes d’œuf propulsées à l’Élysée. On le voit aujourd’hui avec le crash spectaculaire de la loi immigration à l’Assemblée, en dépit des trésors d’habileté – et de médiocre clientélisme – déployés par Gérald Darmanin. Tel Valentin le désossé, le ministre de l’Intérieur a exécuté toutes sortes de contorsions pour concilier les inconciliables, la xénophobie de la droite dure et l’irénisme de la gauche version Nupes. Faisant le grand écart, il n’a récolté qu’une déchirure musculaire qui le handicape gravement dans sa course au pouvoir suprême. La macronie déboussolée cherche maintenant un nouveau cap.
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Comme le disait le philosophe Alain, quand on entend quelqu’un dire que droite et gauche ne veulent rien dire, il est clair que celui qui parle n’est pas de gauche. Tel est le sort du gouvernement. Voulant à toute force sortir du piège qu’il a lui-même tendu, il ne voit qu’une issue pour trouver une majorité : contenter la droite, elle-même maraboutée par l’extrême-droite, et donc se résigner à accepter le texte concocté par le Sénat, qui servira de base à une discussion en « commission mixte paritaire » avant d’être débattu par l’Assemblée, supprimant l’AME, remettant en cause le droit du sol et autres mesures lepénoïdes. À moins que les macronistes ne recourent, in fine, à cet article 49-3 qu’ils avait promis de laisser au vestiaire.
Les macronistes ont perdu. Mais l’opposition a-t-elle gagné ? Pas si sûr. La partie droite de l’Assemblée, qui clame partout que l’immigration est une urgence décisive, a refusé le débat au Parlement en votant la motion de rejet des écologistes, remettant à plus tard cette législation soi-disant pressante. Allez comprendre…
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Quant à la gauche, elle se réjouit bruyamment de la déconfiture macronienne. Il y avait pourtant dans ce texte une mesure qu’elle aurait pu appuyer : la régularisation des sans-papiers dans les « métiers à tension ». Des dizaines de milliers de travailleurs maintenus dans un statut précaire auraient pu en sortir. Ils attendront. Sur ce point, c’est Delphine Batho, écologiste indépendante, qui a raison : elle a refusé de voter la motion de rejet en expliquant qu’il faudra, à la suite de son adoption, reprendre la discussion sur un texte beaucoup plus à droite que la version initiale. Juste remarque.
Que penseront les électeurs du comportement de la classe politique ? Qu’un texte a été refusé parce que les uns le trouvaient trop mou et les autres trop dur. Un « cartel des non », en somme. Or ces électeurs savent bien qu’on ne gouverne pas avec des non.