Loi sur l’immigration : à droite toute !
Pour sauver son projet, le gouvernement convoque une commission mixte paritaire où la droite sera en position de force, au risque de fracturer la majorité présidentielle. En votant la motion de rejet, la Nupes s’est tiré une balle dans le pied.
Il n’y aura donc pas de retrait. Après s’être fait repousser à l’Assemblée nationale par le vote d’une motion de rejet, le projet de loi sur l’immigration est sauvé par la convocation d’une commission mixte paritaire composée de 7 sénateurs et de 7 députés, 4 de la majorité et 3 de l’opposition pour chaque chambre. Sitôt nommés, ils seront chargés de plancher ensemble à huis clos en vue de se mettre d’accord sur une mouture de compromis.
Ils travailleront à partir de la copie votée au Sénat, plus musclée que celle issue de la Commission des lois de l’Assemblée nationale. La version commune devra être votée au Sénat et à l’Assemblée. Cette méthode valide le soutien initial que Gérald Darmanin est allé chercher au Sénat.
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Cela ne l’empêche pas de continuer à avaler les couleuvres. « Il faut que le ministre de l’Intérieur retrouve son calme, sa sérénité et retravaille au service de la mission qui est la sienne », a osé Éric Ciotti, le patron des LR, cinglant « le mépris insupportable » de Gérald Darmanin et désignant Elisabeth Borne comme nouvelle négociatrice en chef du projet de loi sur l’immigration. Un désaveu supplémentaire pour le ministre de l’Intérieur et une forme de revanche pour la Première ministre qui revient dans le jeu après avoir été largement court-circuitée.
De cette grande agitation, Les Républicains ressortent les gagnants. Les plus nombreux parmi les sénateurs, ils entreront en force à la Commission mixte paritaire. Et ce sera sur leurs idées. « Le texte durci par le Sénat est aujourd’hui le seul qui fait foi », se réjouit ainsi Olivier Marleix. Ce qui semble signifier le grand retour de mesures provocatrices comme la suppression de l’AME, le non-paiement pendant trois ans des allocations pour les étrangers présents sur le territoire français ou encore le durcissement des peines en cas de délinquance, y compris pour ceux qui sont en France depuis longtemps.
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Ils sont en cela soutenus par le Rassemblement National qui a compris même tardivement qu’il aurait plus à gagner à repartir du texte du Sénat qu’à obtenir dix jours de discussion à l’Assemblée nationale sur son sujet fétiche de l’immigration.
Ces mesures ont-elles une possibilité d’être adoptées ? Difficile dans le cadre d’un compromis, car le risque serait de fracturer la majorité présidentielle tant il est clair qu’en son sein, ce qui paraît acceptable pour certains, ne le serait pas pour les autres. Un compromis ne doit pas se sceller « au détriment de l’unité de la majorité », a ainsi averti Elisabeth Borne devant les députés de son camp.
Tout l’enjeu des membres de cette Commission mixte paritaire sera de placer le curseur au bon endroit.
Quoi qu’il en soit, les grands perdants pourraient être les députés de la Nupes. Ils n’ont pas compris qu’en votant la motion de rejet, ils ne disposeraient plus d’un texte acceptable, celui de la Commission des Lois de l’Assemblée nationale, pour défendre leurs idées. De LFI au Parti Socialiste en passant par les écologistes, la gauche s’est certes fait plaisir en sanctionnant Gérald Darmanin et le gouvernement, mais, contrainte de négocier à partir du texte du Sénat, elle en paie le prix fort, ce qui ne manquera pas de durcir les conditions de vie des étrangers en France. Clairvoyante, Delphine Batho, est la seule députée écologiste à avoir voté contre la motion de rejet.
Parions qu’au-delà du projet de loi sur l’immigration, cet épisode pathétique débouchera sur une droitisation de la politique d’Emmanuel Macron. Avec une majorité nouvelle où Les Républicains s’agrègeront à celle du Président.